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Condé et des Turenne pour réparer le mal que la négligence ou l’incapacité d’un Luynes ou d’un Puisieux, soucieux uniquement de se maintenir au pouvoir, ont, sans même s’en apercevoir, laissé commettre.

L’art de la diplomatie est un art secret ; s’il fait bien, il est peu apprécié, ses succès restant cachés dans le mystère des archives et dans une heureuse suite d’événemens prospères qu’on attribue au cours naturel des choses ou à la fortune. S’il fait mal, ses fautes, qui ont des conséquences incalculables, ne sont aperçues que par quelques-uns et, quand ils parlent à temps, on ne les croit pas. Il est bien rare que les catastrophes se précipitent avec une rapidité telle que les Cassandre aient la douleur de voir leurs prophéties funestes se réaliser et d’être appelés à réparer le mal qu’ils ont prévu et annoncé.

La Maison d’Autriche, sauvée par Luynes, en 1621, imposa à la France plus d’un siècle de sanglans efforts. Le favori ne pouvait guère se douter de la portée d’une résolution qu’il avait prise en se jouant.

Pourtant les événemens se chargeaient bientôt de dévoiler, même à son aveuglement, d’autres suites non moins graves et immédiatement préjudiciables aux intérêts du pays. Un plus habile eût peut-être ouvert les yeux et se serait repris ; mais la sottise ne se corrige pas ; il s’enfonça dans son erreur ; et il ajouta une nouvelle honte et de nouvelles fautes à la première honte et aux premières fautes : c’est ce qu’il faut essayer d’expliquer maintenant.


II

La France, si petite en Europe, trouvait en face d’elle, au XVIIe siècle, la double menace de l’une et l’autre dynasties héritières de Charles-Quint, la Maison d’Autriche et la Maison d’Espagne. L’Espagne était véritablement l’ennemie héréditaire. Au temps de la Ligue, elle avait mis le royaume à deux doigts de sa perte. Elle était partout, sur nos frontières : du côté des Pyrénées où. la grave question de la Navarre et du Béarn, pas plus que celles du Roussillon et de la Catalogne, n’était entièrement réglée ; du côté des Alpes, où elle occupait le Milanais, et où, par son établissement dans le royaume de Naples, d’où elle nous avait chassés, elle dominait la péninsule ; en Franche-Comté et dans les