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maintes reprises, depuis 1857, d’importans personnages religieux firent aux autorités algériennes ; mais rien, pas même des attentats comme le massacre de la mission Flatters, ne parvenait à triompher de notre inaction. Une telle longanimité encourageait nos rivaux et, quand, en 1886, les gens d’In-Salah, inquiets des suites qu’aurait le meurtre du lieutenant Palat, envoyèrent auprès du sultan une délégation chargée de lui porter leur hommage et de lui demander sa protection, Moulai-el-Hassan n’hésita pas à leur écrire qu’il allait prendre des mesures pour les placer effectivement sous sa haute autorité. Diplomatiquement interrogé sur l’authenticité de cette lettre par M. Féraud, ministre de France à Tanger, le sultan s’empressa d’en renier la paternité ; mais les renseignemens recueillis dans le Sud par nos officiers des affaires indigènes ne permirent pas de douter qu’elle n’eût été écrite ; elle ne fut d’ailleurs que la préface des intrigues que les agens du Maghzen ne cessèrent plus d’ourdir dans les oasis. A partir de 1886, il ne se passa guère d’année sans échange clandestin de lettres ou de députations entre les notables des ksour et la cour chérifienne ; par crainte des chrétiens, toujours menaçans quoique toujours inactifs, les habitans des oasis se tournaient, sans répugnance, vers un maître d’autant moins redoutable qu’il était plus lointain et plus impuissant.

La convention du 5 août 1890 avec l’Angleterre, qui nous attribuait, comme notre part d’Afrique, le Sahara jusqu’à la fameuse ligne Say-Barroua, et qui nous assurait la possibilité théorique de réunir nos possessions du Niger avec l’Algérie, était un nouveau motif pour organiser sans délai la police du désert. A partir de 1890, nous entrons dans une nouvelle période, que l’on pourrait appeler celle des velléités. Chaque année presque, des projets de campagne au Touât sont préparés, des colonnes organisées, mais l’ordre de départ n’arrive jamais.

Pendant l’automne de 1890, sur l’invitation de M. de Freycinet, président du Conseil et ministre de la Guerre, le général de Miribel, chef d’état-major de l’armée, prépara un projet d’expédition. Il demandait 3500 hommes et 1200 000 francs et, d’accord avec M. Tirman, il préconisait la route d’Igli et de l’oued Saoura, qui, outre qu’elle est la plus directe, aurait l’avantage de couper, dès les premières marches, les communications des oasis avec le Maroc. Le Conseil des ministres ajourna la réalisation du plan proposé ; l’on se contenta de créer à El-Goléa