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l’abandon du droit de suite et l’existence d’une frontière auraient pu gêner notre action et compromettre gravement la sécurité même de l’Algérie. En 1870, les dissidens de nos provinces, les aventuriers de toute provenance, étaient devenus si nombreux dans les massifs montagneux qui avoisinent Figuig et notamment dans le Djebel-beni-Smir, les tribus voisines de la frontière, les Beni-Guil et les Doui-Menia, se faisaient si entreprenantes, que le général de Wimpffen, commandant la division d’Oran, obtint la permission d’aller les châtier sur leur propre territoire. Notre diplomatie avertit la cour chérifienne de l’expédition qui allait être entreprise, conformément aux droits que nous confère le traité de 1845, et le Maghzen répondit qu’il verrait avec plaisir la punition des coupables et seconderait notre action de tout son pouvoir. On sait que le général, un « Africain » d’une énergie et d’une expérience consommées, parcourut tout le pays autour de Figuig, descendit jusque dans la vallée de l’oued Guir, infligea de rudes leçons aux Beni-Guil et aux Doui-Menia auxquels il imposa un traité, dispersa les dissidens et parut jusque sous les murs du ksar d’Aïn-Chaïr, qu’il ne put enlever. Si la guerre, à ce moment même, n’eut éclaté sur le Rhin, cette marche audacieuse aurait peut-être placé définitivement toute cette région sous notre influence ; elle suffit du moins à assurer dans le Sud-oranais une tranquillité complète pendant tout le temps où nos malheurs nous obligèrent à appeler les troupes d’Afrique à la défense du sol national. L’insurrection kabyle de Mokrani ne trouva aucun écho parmi les nomades du sud. — Plus récemment, quand, en 1881-1882, la révolte de Bou-Amaina, la défection de Si-Kaddour et des Ouled-sidi-Cheikh, mit à feu et à sang toute la province d’Oran, nos colonnes, lancées à la poursuite des insurgés, purent pousser des pointes jusqu’au-delà de Figuig en usant des droits que nous reconnaît la convention de Lalla-Marnia.

Les négociateurs français du traité de 1845 eurent-ils la volonté de rester dans le vague pour sauvegarder, en vue d’un avenir encore insoupçonné, toute notre liberté d’action, ou bien restèrent-ils dans le vague tout simplement par impossibilité d’être plus précis, peu nous importe aujourd’hui ; mais il convient, somme toute, de ne pas être trop sévère envers eux ; leur imprécision fut heureuse puisque, si leur œuvre n’a pas empêché, si elle a, au contraire, favorisé la multiplication des