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expérimentés, le comte de Béthune, frère du duc de Sully, et l’abbé de Préaux, prieur de l’Aubespine et de Châteauneuf. Leurs instructions leur prescrivaient de se rendre en Allemagne par la Lorraine, en voyant sur leur route les princes, magistrats des villes et autres souverains, de travailler partout à la paix et surséance d’armes, « pour faire comprendre à tous, avec plus d’efficace, le trouble et péril certain et inévitable auquel le pays de Germanie est porté à tomber si, par une prévoyance générale, un concert prompt et unanime, les intéressés ne s’efforcent de pourvoir à ce désordre, et déposant les considérations privées, n’embrassent vivement les publiques, pour éviter un si grand désordre et malheur. »

Les ambassadeurs devaient se rendre, le plus tôt possible, près de l’Empereur, le féliciter de son assomption à l’Empire « dont les épines et difficultés présentes seront bientôt, s’il plaît à Dieu, changées en contentement. » A l’Empereur, ils déclareront qu’il doit compter le Roi au nombre de ses amis, et qu’il pourra se servir de la bonne volonté et des forces de Sa Majesté, s’il entre dans les voies de l’entente et de la conciliation que l’ambassade est chargée de préparer entre tous les princes de l’Allemagne. Les instructions ajoutaient, d’ailleurs, que la cour de France refusait de reconnaître le Palatin en qualité de roi de Bohême ; celui-ci était le seul que les ambassadeurs dussent s’abstenir de visiter.

On voit quel réconfort ce dut être pour la Cour Impériale de recevoir de pareils encouragemens dans une heure si critique et, au contraire, quel désastre pour la cause protestante, stupéfaite de recevoir un tel coup d’une telle main.

Les princes de l’Union protestante étaient réunis à Ulm ; les ambassadeurs s’y rendirent en grande hâte ; ils arrivèrent dans cette ville, le 6 juin 1620. Les deux armées étaient en présence et sur le point d’en venir aux mains. Les protestans d’Allemagne étaient décidés à combattre pour secourir leurs frères de Bohême : « L’un d’eux nous dit, écrivent bientôt les ambassadeurs, qu’il fallait que les armes fussent teintes du sang de quelques-uns devant que les articles d’une paix pussent être accordés, et qu’elle ne pouvait se faire qu’entre deux armées (juin 1620). »

C’est cette disposition des protestans allemands qui tenait tout en suspens. L’Empereur suppliait Maximilien de Bavière de l’aider en Autriche et en Bohême. Mais celui-ci, après avoir tout