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il avait bien des intérêts à ménager pour assurer la fortune de ses enfans ; il était à bout de force et de vie. Ce n’était plus qu’un fantôme. On le consulta, mais pour l’engager. On sut couvrir de son nom la décision qui fut prise. On le chargea, en effet, de rédiger l’avis du Conseil qui trancha le différend solennel soumis au roi Louis XIII et qui détermina la politique de la France.

La fortune voulut que la France, à cette heure décisive, fût conduite par un adolescent ignorant, un favori inquiet et des ministres timorés. La décision prise par eux sauva la Maison d’Autriche.

Le président Jeannin était trop avisé pour ignorer et trop loyal pour dissimuler la portée de la question soumise au Conseil. Son mémoire rappelle d’abord « que la Maison d’Autriche est montée à un si haut degré d’autorité et de pouvoir qu’elle en est devenue formidable, odieuse et suspecte à tous les autres souverains de la Chrétienté ; » il reconnaît le danger que font courir aux autres puissances, et notamment à la France, les ambitions et les appétits territoriaux de la couronne d’Espagne. Mais, aussitôt, il tourne court et il affirme que la France ne peut pas l’abandonner dans les circonstances critiques qu’elle traverse. Il s’appuie sur une seule considération : celle de la religion : « Sa Majesté est obligée de secourir la Maison d’Autriche contre un si grand nombre d’ennemis fort puissans qui ne peuvent être les maîtres par une victoire absolue, sans que la religion dont Elle fait profession ne soit en très grand danger. » Il serait à craindre, en effet, que la victoire des protestans en Allemagne n’encourageât les huguenots de France : « et peut-être que Sa Majesté ne seroit, elle-même, exempte de ce danger en ses États. » C’est bien la solidarité monarchique et religieuse. Le vieux ministre avait oublié le temps où Henri IV appuyait, contre l’Espagne, les républicains de Hollande !

Il insiste beaucoup sur l’idée que la Maison d’Autriche est maintenant trop abattue pour obtenir un succès complet et qu’en tous cas, elle restera toujours très affaiblie. Le mémoire contient une erreur d’appréciation très grave sur la force respective du Palatin et de la Maison d’Autriche : « La puissance du nouvel élu roi de Bohême doit être plus suspecte que celle de la Maison d’Autriche, à cause des grands appuis qu’il a, tant en Allemagne qu’au dehors, tandis que la Maison d’Autriche vieillit, ayant déjà passé le temps de son accroissement et étant