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l’opinion du favori. On se régla sur elle. D’ailleurs, la thèse catholique ne comptait guère, auprès du Roi, que de zélés défenseurs. Personnellement, le Roi était porté vers elle : assurément, il n’aimait pas « l’Espagnol ; » les impressions qu’il avait recueillies du vivant de son père n’étaient pas entièrement effacées de son esprit ; mais, jeune, ignorant et timide comme il était, il n’avait guère d’autres ressources intellectuelles et morales que celles de la religion et il était sans défense contre l’action journalière qu’exerçait sur lui un entourage tout ecclésiastique : son confesseur, le Jésuite Arnoux, les cardinaux de la Rochefoucauld et de Retz, membres influens du Conseil, le Père Bérulle, le Père Joseph, et bien d’autres qui, sous des prétextes divers, avaient continuellement accès auprès de lui.

La reine Anne d’Autriche était tout naturellement attachée à la couronne d’Espagne ; sa nouvelle patrie lui donnait trop peu de satisfaction pour qu’elle n’eût pas les yeux sans cesse tournés vers son passé et vers la cour dont l’ambassadeur, duc de Monteleone, était, auprès d’elle, l’assidu représentant.

Le prince de Condé était absolument dévoué à la cause catholique et son premier acte, en sortant de prison (2 janvier 1620), avait été d’écrire au Pape une lettre solennelle pour l’assurer de son filial dévouement. Parmi les ministres, Sillery était, depuis son ambassade à Rome (et cela remontait au règne d’Henri IV), l’homme de la Papauté ; son fils, Puisieux, secrétaire d’État chargé des Affaires étrangères, et qui eût dû éclairer ses collègues, était un de ces hommes médiocres dont l’habileté consiste à écouter le vent : « Vis-à-vis de ceux avec qui il négocie, il le fait avec tant d’incertitude et d’irrésolution que, quelle que soit l’issue d’une affaire, il veut faire paraître qu’il a tout prévu ; car il est jaloux de conserver au moins l’apparence de son autorité. » Le garde des sceaux, Du Vair, était un ennemi déclaré des huguenots. C’était un sectaire de très grande éloquence et de très belle barbe. Arrivé à la fin d’une longue vie laïque, il avait la bizarre ambition de se faire nommer évêque et même cardinal, et il multipliait les preuves de son dévouement à l’Eglise pour obtenir, de Rome, les dispenses nécessaires.

Restait le plus sage et le plus expérimenté des ministres, le président Jeannin. Seul, l’illustre négociateur de la trêve des Provinces-Unies eût pu, avec l’autorité attachée à ses services, tenir les esprits en suspens. Mois il était bien vieux, bien timoré ;