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pis, et en supposant que, limité, le parlementarisme ne fasse pas beaucoup plus de bien, il fera sûrement beaucoup moins de mal, et nous y gagnerons en bien tout le mal qu’il ne pourra pas faire.

Deuxièmement, suffira-t-il de limiter le parlementarisme ? Il est possible, il est probable que non ; ou, si cela doit présentement suffire, ce ne sera ni pour toujours, ni peut-être pour longtemps. D’avoir limité le parlementarisme n’empêchera pas qu’il faille encore le construire, le fonder sur une base solide, appareiller plus étroitement le régime politique et l’état social, organiser enfin le suffrage universel. Je dis bien le construire, et non pas, comme quelques-uns, le détruire. Sans en avoir le fétichisme et sans le croire du tout intangible, sans voir en lui un fait éternel et presque surnaturel ; tout en le circonscrivant, au contraire, en le localisant en tel coin du temps et de l’espace, c’est aujourd’hui dans le monde civilisé un fait trop général pour qu’il ne corresponde point par quelque côté aux conditions et aux besoins de nos sociétés en cette portion de l’espace et du temps. Le coupable, ce n’est pas le parlementarisme, en lui-même et quelle qu’en puisse être la forme ; mais telle forme défectueuse ou abusive du parlementarisme. En conséquence, il ne s’agit pas de détruire le parlementarisme sous toutes ses formes, parce que l’une ou l’autre est mauvaise ; il s’agit de trouver et de réaliser celle de ces formes qui correspond le plus exactement à nos conditions et à nos besoins. Mais, en attendant que nous l’ayons trouvée, et pour que nous puissions librement et posément la chercher, en premier lieu et comme première mesure, — ce sera, si l’on veut, la barrière, le garde-fou, l’échafaudage autour de la construction, — il s’agit dès maintenant et tout de suite de limiter le parlementarisme.

Pour le limiter, comment faire ? Si le parlementarisme américain est limité, c’est que la Constitution fixe aux pouvoirs du Congrès des bornes qu’il ne peut excéder. C’est qu’elle définit, détermine et délimite, — au sens rigoureux de ces trois mots, — les pouvoirs mêmes du Congrès ; elle les énumère, donc les compte et les pèse, et il n’en a pas, qu’elle ne les lui ait expressément donnés. Évidemment, elle le fait surtout en vue du partage de la souveraineté ou de l’autorité législative entre la Confédération et les États qui la composent : ceci à la Confédération, cela aux États ; et c’est en quoi la Constitution des États-Unis est proprement fédérale ; et c’est en quoi un pays unitaire comme la