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fit la règle, il fut la règle. C’est en 1801, dans la première année de sa magistrature, que, pour la première fois, « la Cour revendiqua explicitement comme un devoir la faculté de tenir pour nul tout acte du Congrès incompatible avec la Constitution[1]. » La Constitution au-dessus de tout. Elle est, et elle seule est, dans toute la plénitude de l’expression, la loi fondamentale, non seulement par préférence ou par excellence, mais par exclusion et par monopole. Il ne saurait y avoir de lois que par rapport à elle et en conformité avec elle.

Ici, le parlementarisme américain étant pris pour type du parlementarisme limité et le parlementarisme anglais pour type au parlementarisme illimité, il faut en bien saisir les différences. M. James Bryce les accuse nettement : « En Angleterre et dans plusieurs autres États modernes, toutes les lois ont au même degré la même autorité. Toutes sont faites par la législature : toutes peuvent être changées par la législature. Ce qu’on appelle en Angleterre des lois constitutionnelles, telles que la Grande Charte, le Bill des Droits, l’Act of Settlement, les acts de l’Union avec l’Ecosse et l’Irlande, ne sont que de simples lois ordinaires, qui peuvent être abrogées par le Parlement à n’importe quel moment, comme il peut abroger un act concernant une grande route ou abaisser les droits sur le tabac. On a pris l’habitude de parler de la Constitution britannique comme d’une chose arrêtée et définitive. Mais il n’existe pas en Angleterre une Constitution distincte des autres lois ; ce qu’il y a est une sorte de code formé en partie de lois, en partie d’arrêts de jurisprudence, en partie d’usages acceptés. C’est ce code qui permet le fonctionnement au jour le jour du gouvernement du pays, tout en étant modifié lui-même, d’une façon constante, par de nouvelles lois et de nouveaux arrêts…

« En Amérique, il en va tout autrement. Là, le terme de Constitution » désigne un instrument particulier, adopté en 1787, amendé depuis sur quelques points, et qui est le fondement du gouvernement national. Cette Constitution fut ratifiée et rendue obligatoire, non par le Congrès, mais par le peuple.

  1. Dans cette affaire, la Cour Suprême fit coup double, sur le législatif et sur l’exécutif, car, saisie d’une requête à l’effet d’obliger le secrétaire d’Etat à délivrer une commission, elle se déclara compétente pour forcer un fonctionnaire exécutif à l’accomplissement d’un devoir ministériel relatif aux droits des individus. — James Bryce, ibid., p. 382.