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parfois, on sent un collaborateur. Il en est de même pour les Chroniques de France, où cinquante-trois illustrations lui semblent justement attribuées. Si l’invention n’est pas toujours aussi parfaite, on y sent, du moins, partout l’esprit du maître, sa fertilité et sa liberté d’invention, sa clarté et son naturel dans la mise en scène, son intelligence du geste expressif, sa connaissance des types et des caractères, sa science des perspectives linéaire et aérienne, son amour des paysages frais et des effets d’architecture, son respect de la vérité, son sentiment délicat de la vie et de ses émotions. C’est là surtout que fourmillent, parmi les édifices de Paris et de Rome, les soudards et les chevaux, et que se livrent de furieuses batailles. Telle de ces mêlées lilliputiennes, à la fois inextricable et claire, où la vivacité triomphale des étendards bleus et roses s’agite sur l’azur des cieux ou le vert des arbres, annonce déjà Delacroix. Comme peintre militaire, Fouquet se montre, cette fois encore, supérieur à tous ses contemporains, Flamands ou Italiens.

De ce que Fouquet est un miniaturiste admirable, en faut-il conclure, comme on la fait longtemps, comme le fait encore M. Gruyer, qu’il ne fut et ne put être qu’un miniaturiste ? Nous croyons avoir déjà prouvé le contraire. L’examen même de ses miniatures nous confirme encore dans notre opinion. Si les figures n’y sont pas toujours, d’un bout à l’autre, dessinées avec le même soin, ni modelées à fond, surtout dans les extrémités, l’exiguïté du cadre et la place occupée justifient, presque toujours et suffisamment, ces brièvetés d’indication. En revanche, la composition est toujours simple, puissante, claire et vive, chaque personnage est toujours défini avec netteté, sûreté, ampleur dans l’attitude et le geste. Or, ce sont là précisément les qualités essentielles de la peinture murale et historique, bien plus utiles et nécessaires à son effet que la correction scolaire et la précision minutieuse du détail.

Le plus souvent, dans les belles pièces, notamment dans celles de Chantilly, les figures du premier plan sont déterminées avec une force et une largeur qui peuvent supporter, qui semblent appeler menu ; les agrandissemens. Chevalier et Saint Etienne dans le Frontispice, la Vierge, Sainte Elisabeth dans la cour de la Visitation, le groupe principal, si pathétique, de Jésus sur les genoux de sa mère, les Apôtres de la Mission apostolique, de la Mort, du Convoi, de l’Assomption de la Vierge,