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les armes, reçu vingt-cinq plaies le visage tourné vers l’ennemi et été récompensé treize fois extraordinairement. » C’est ce Nestor qui dévoile, en un large tableau, tout le plan de campagne du grand parti qui agite et soulève l’Europe. Par une vue profonde, il découvre la politique, où la foule ne voit que la religion. Pour lui, il s’agit non pas tant d’une lutte de doctrines que d’une compétition pour le pouvoir. La conjuration est toute républicaine ; c’est aux trônes et aux couronnes qu’on en a.

Il signale le péril au Roi Très Chrétien et développe, point par point, tous les élémens du complot. Venise est l’origine ; la Hollande est le foyer. On prétexte la religion ; mais ces deux républiques, qui sont de religion différente, se soutiennent. Les Suisses en sont aussi, et ce sont des républicains ; en Italie, c’est Gênes, c’est Pise, Florence, Lucques ; en Allemagne, ce sont les villes hanséatiques et les villes libres dont l’indépendance énerve l’Empire : protestantes ou catholiques, elles n’ont d’autres visées que de secouer la domination des Princes. « Une seule espérance les nourrit, de pouvoir, en brief, chasser les rois d’Europe. » Si la noblesse d’Allemagne s’engage dans le même parti, c’est que l’aristocratie est volontiers républicaine.

Le vieux comte s’adresse à tous les membres de la conjuration : « Quelle peut donc être la cause qui vous y a invités ? La haine seule que vous portez à la royauté et l’amour que vous avez pour établir l’aristocratie et la démocratie. » C’est là la véritable cause de la levée de boucliers universelle contre la maison d’Autriche, ou plutôt contre l’Empire : car, à leurs yeux, il est le principal et le plus ferme boulevard de la monarchie en Europe. Les monarchies, elles-mêmes, sont englobées dans cette immense machination. Le prince palatin et ses alliés en sont les instrumens aveugles et en seront les premières victimes ; partout, la conjuration a pénétré : « Ceux qui traitent aujourd’hui les grandes affaires au conseil secret des Princes sont volontiers contraires aux monarchies et principautés et n’approuvent que le gouvernement de plusieurs. »

Pour détruire les monarchies, ils emploient des moyens divers : les calomnies par lesquelles ils rendent les monarques odieux, les séditions qu’ils allument en leur pays et les guerres, par lesquelles ils font saccager les peuples ; la religion est un manteau : « tous leurs desseins ne tendent qu’à réduire les royaumes et les principautés en Ordres et Estats, afin que ceux