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d’hommes d’étude ou d’église, à suivre de belles chasses à courre ou au faucon, à voir les magnifiques costumes, les nobles chevauchées, les triomphans cortèges des ambassadeurs de tout pays qui s’y succèdent sans cesse cl dont la variété lui réjouit l’esprit autant que les yeux.

Les habitans de Tours ne l’enchantent pas moins que son climat, ses fruits, ses prêtres, ses musiciens, sa cour. Il admire en connaisseur « la belle santé de ces Français qui, en général, en jouissent jusqu’à l’extrême vieillesse, ce qui ne serait point, si, comme on le dit en Italie, ils étaient voraces et crapuleux (chez nous, ajoute-t-il, on se retient davantage, mais plus par avarice que par tempérament). » Il n’est pas moins ravi de leur politesse et de toutes leurs bonnes manières, soit entre eux, soit vis-à-vis des étrangers. Quant aux femmes, il n’en saurait dire trop de bien : « Ce que je ne puis taire, c’est que les femmes mêmes, dans cette ville, ont une telle honnêteté, une telle dignité dans la tenue, elles portent des toilettes si magnifiques et si décentes, sans aucune lascivité, qu’elles savent à la fois séduire tous ceux qui les voient et garder leur pudeur intacte ; je passe sous silence leur grâce aussi et leur beauté, pour ne point sembler trop contemplateur de ce genre de formes. » Florio passe ses soirées chez son hôte, le chanoine de Saint-Gatien, « homme de vie intègre, de mœurs probes, accompli en savoir, et, pourtant, sans orgueil ni faste, » où fréquente la meilleure compagnie, car le chanoine « aime tellement les lettrés qu’il fait ses délices de vivre avec eux, et juge que c’est là trouver le bonheur. » — « Ne t’étonne donc pas, dit Florio en terminant sa lettre, si, parmi de tels hommes, religieux, hommes d’église, laïques, je mène une vie tranquille et heureuse ; ne t’étonne pas, non plus, si, ayant déjà passé seize ans hors de mon pays, il ne m’est pas encore venu la moindre pensée de retourner dans notre province. Je crois même, s’il plaît au grand architecte, que je finirai mes jours en France, puisque je n’ai trouvé nulle part une patrie plus saine et plus opulente, ni des gens plus humains. »

On a souvent constaté l’extraordinaire et irrésistible séduction exercée par l’Italie sur les artistes et les lettrés du Nord. N’est-il pas curieux, en sens inverse, de voir cette séduction opérée sur un Toscan, au temps de Laurent de Médicis, Marsile Ficin, Politien, par la France encore tout endolorie de ses longues misères ? N’est-il pas inattendu d’apprendre que ce Tours, où