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ne suppléaient, par leur dévotion, à l’indifférence et à la paresse des nôtres. » Il n’ose même pas parler de la Basilique de Saint-Paul hors des murs « où le culte, à cause de l’insolence de ses prêtres, est abandonné à des moines qu’on voit s’y traîner, le cou tordu. » Oui, oui, répète -t-il, c’est une honte pour l’Italie, mais, en vérité, « pour la piété, pour les cérémonies du culte, pour la dévotion des clercs, ce n’est pas seulement par la France, en général, qu’elle est dépassée, c’est par une petite ville de France ! »

Malgré l’excellence des chœurs à Saint-Martin, la meilleure musique qu’on puisse entendre, néanmoins, c’est celle de la chapelle royale, au vieux château, près de la Loire. Chaque jour, les chanteurs de Louis XI y exécutent la messe et les vêpres. « Ce sont tous des artistes choisis, les meilleurs du royaume, mais, parmi eux, par la voix et par l’art, Jean Okegam, trésorier de Saint-Martin, maître de la chapelle, resplendit comme Calliope, la favorite d’Apollon, et de même qu’elle sur les Muses, lui, de beaucoup, l’emporte sur tous les autres. Tu ne pourrais ne pas l’aimer, cet homme, tant il est supérieur par la beauté du corps, tant il domine par la grâce de ses allures et de son langage. Lui seul, parmi les chanteurs, lui seul est sans défaut, et, lui seul, comme le phénix en Arabie, peut supporter la fréquentation et l’analyse. C’est là vraiment qu’on comprend ce que vaut la musique et que l’on convient combien la voix humaine l’emporte sur tous les autres instrumens de musique. » Musiciens et chanteurs se rencontreront fréquemment dans l’œuvre de Fouquet ; nous savons d’où ils sortent.

Florio fait de longues promenades dans lesquelles le peintre dut plus d’une fois l’accompagner. En sortant de la chapelle royale, tantôt il traverse, sur la Loire, « ce long et large pont, tout de pierre, » récemment achevé, et suit la berge jusqu’à l’abbaye de Marmoutier dont la librairie célèbre contient tant de beaux livres historiés ; tantôt il sort de la ville, par la porte occidentale, et s’achemine vers la résidence champêtre du roi bourgeois, le Plessis (ou les Montils), dont l’accès ne semble pas avoir été alors aussi redoutable et effrayant qu’il le devint bientôt, suivant Commynes. En tout cas, Florio y avait sans doute ses entrées faciles, car il s’étend avec complaisance sur l’aménité du lieu, le plaisir qu’on y goûte à trouver de brillantes réunions et des compagnies instructives, tant de gentilshommes que