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auprès d’eux, l’un entre 1438 et 1442, durant sa campagne de Naples, l’autre, à la même époque, lors d’un de ses voyages commerciaux et diplomatiques en Syrie ou en Égypte, quand il faisait escale en Toscane. Les occasions de ce genre ne manquaient pas, mais c’est vraiment faire preuve d’un singulier aveuglement patriotique que de croire, comme on l’a fait, ce jeune homme étranger appelé expressément par Eugène IV, pour faire son portrait. C’est oublier que, lorsqu’en 1443, ce Pontife rentra à Home d’où l’avaient chassé, suivant leurs habitudes séculaires, ses turbulens sujets, il n’y avait pas mis le pied depuis 1434. Or, durant ces neuf années, installé à Florence dans le couvent de Santa Maria Novella où « pour occuper son temps, » nous dit son libraire Vespucci « étant bon calligraphe, il copiait des bréviaires, » l’exilé s’était entouré de lettrés et d’artistes. L’heure était belle pour les arts. Eugène put bénir, successivement, en ce court espace, la coupole de Santa Maria del Fiore, par Brunellesco, les secondes portes du Baptistère (les portes du Paradis), par Ghiberti, les bas-reliefs des orgues, par Luca della Robbia et Donatello ; voir terminer le tombeau de Leonardo Aretino par Bernardo Rossellino, la fresque équestre de John Hackwood par Paolo Uccello, presque toutes les peintures de Fra Angelico dans le couvent de Saint-Marc, les œuvres les plus caractéristiques d’Andréa del Castagno, Domenico Veneziano, Filippo Lippi, etc. Ces artistes sont ceux dont se souviendra toujours Fouquet. Pour nous, nous n’en saurions douter, il vécut avec eux, il travailla avec eux, il prit sa part, humble encore ou déjà sérieuse, de leurs efforts et de leurs découvertes, et quand le Pape, enfin rappelé dans la Ville Eternelle, y emmena ses chers artistes de Florence, ses hôtes familiers, Fra Angelico, Donatello, Antonio Filarete, Vittore Pisano, le jeune Français, peut-être l’élève et l’aide de l’un d’eux, se trouva compris dans la bande. Fouquet ne se sentit pas, d’ailleurs, à Home, le seul de son pays ; M. Eugène Müntz a rencontré, parmi les pensionnaires du Vatican, un peintre verrier français, M. Baptiste, qui semble avoir été un artiste d’importance. Quoi qu’il en soit, c’est durant ce dernier séjour d’Eugène IV à Rome (1443-1447) que Fouquet travailla dans le couvent de la Minerve, sous les yeux de Fra Angelico qui l’habitait et qui devait y mourir (1455). Le divin moine partageait alors son temps entre la chapelle du Saint-Sacrement, au Vatican (fresques détruites au XVIe siècle),