Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

échappera pas. C’est pourquoi, en fait de vexations, il ne faut lui faire subir que l’indispensable ; le ministère l’a trop oublié.


Si 1901 n’a pas été bien brillant pour nous, il l’a été encore moins pour l’Angleterre. La voilà entrée dans la troisième année de la guerre sud-africaine ! Cette guerre dure toujours : quand on la croit, ou qu’on la dit finie, elle recommence, comme si elle renaissait de ses cendres toujours chaudes. La paix, annoncée si souvent et sous les formes les plus diverses, s’éloigne de plus en plus. On commence à s’en rendre compte en Angleterre, et l’opinion, après avoir été cruellement déçue dans les espérances qu’on lui avait fait concevoir, se demande avec anxiété quand tout cela finira. Une première fois, en quittant le champ de ses exploits, lord Roberts avait proclamé l’annexion des deux républiques. C’était un acte politique plus que militaire ; il justifiait le départ du général en chef ; il voulait dire que la guerre avait atteint son terme régulier, et que, si la résistance se prolongeait encore à travers la brousse, elle ne pouvait plus être sérieuse, ni de longue durée. Depuis lors, beaucoup de semaines et de mois se sont écoulés, et la guerre en est toujours au point où l’a laissée lord Roberts. Tout récemment, lord Kitchener a lancé sa fameuse proclamation, qui a fait tant de bruit dans le reste du monde et si peu d’effet au Transvaal. Il annonçait qu’il n’y avait plus, pour tenir la campagne, que quelques bandes de brigands, et qu’à partir du 15 septembre, ils seraient traités comme tels, ou peu s’en faut. C’était dire à nouveau que la guerre était terminée. On sait ce qui est arrivé. A l’échéance fixée par lord Kitchener, les Boers ont fait un prodigieux effort offensif, et ont remporté sur les Anglais plusieurs avantages signalés. Comment soutenir après cela qu’il ne restait plus en armes qu’une poignée de rebelles ? A l’inverse de celle de lord Roberts, la proclamation de lord Kitchener avait un caractère plutôt militaire que politique. Elle était d’ailleurs brutale et odieuse : on ne pouvait l’excuser que si elle avait été efficace, et elle ne l’a pas été. Une fois encore la paix s’est éloignée comme dans un mirage toujours renouvelé, toujours dissipé. Quelle que soit l’admirable ténacité des Anglais, ils ont fait des réflexions de plus en plus sombres. Dans quelle aventure s’étaient-ils donc engagés, et quel en serait le terme ? Tant de prévisions trompées les mettaient désormais en garde contre l’optimisme dont ils s’étaient bercés. Évidemment cette guerre, qu’ils persistaient à trouver légitime, avait été mal conduite et elle l’était encore. Que faire pour en finir ? À cette question il a été fait tout d’un