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M. Grébauval, radical-nationaliste, variété politique assez rare : on trouve de tout à Paris ! Dans nous ne savons plus quelle circonstance, le bureau du Conseil municipal recevait M. le Président de la République. L’épreuve pouvait déjà passer pour dangereuse ; cependant M. Grébauval a fait bonne contenance et s’est montré courtois pour M. Loubet ; mais, apercevant tout à coup M. Waldeck-Rousseau à côté de celui-ci, son émotion a été si vive, — quoiqu’il eût dû s’attendre à un fait aussi naturel, — qu’il a tourné le dos et pris la fuite, laissant tout le monde stupéfait.

Les rapports, qui étaient déjà tendus entre le gouvernement et le Conseil municipal, ont été rompus cette fois. Le mieux, pourtant, aurait été de laisser pour compte son incartade à M. Grébauval, et de ne pas en rejeter la responsabilité sur son successeur. Mais M. Dausset, tout aussi nationaliste que M. Grébauval, n’a même pas aux yeux du ministère le mérite d’être radical. Avec lui, les choses n’ont pas mieux marché. Dieu sait toutes les avanies que le gouvernement lui a fait subir ! Paris en a souffert, mais c’est tant pis pour Paris : ne devait-il pas expier les élections municipales qu’il avait faites ? Aussi, quand l’empereur Nicolas est venu en France, on ne l’a pas conduit à Paris ; et, quand M. Dausset est allé à Compiègne pour essayer d’apporter à l’Empereur l’hommage respectueux de la capitale, on l’a laissé errer de porte en porte, repoussé de toutes comme un chemineau indiscret. On en était là lorsque le comité qui, dans le XIIe arrondissement, avait pris l’initiative d’élever une statue à Baudin, les travaux du monument étant achevés, a fixé un jour pour la fête qui devait s’ensuivre, et y a invité tout le monde officiel, y compris le président du Conseil municipal de Paris. La statue devant être remise à la Ville, la présence du président de son Conseil municipal semblait conforme à toutes les convenances. M. Dausset accepta l’invitation et annonça l’intention de prononcer quelques mots pour remercier le comité et prendre possession de la statue. Grand émoi du côté du gouvernement ! M. Waldeck-Rousseau fit savoir que ni le Président de la République, ni les présidons des Chambres, ni lui-même, n’assisteraient à une fête où M. Dausset aurait une place tant soit peu en vue, et prononcerait un discours. Devant ce Quos ego ! impérieux, tout resta en suspens. La date de la cérémonie fut remise à quinzaine. On chercha un moyen d’éliminer M. Dausset, et on en trouva un dont nous ne savons pas s’il faut plus en admirer l’ingéniosité ou la puérilité. Il fut décidé que la remise de la statue à la Ville serait considérée comme faite, et que la cérémonie officielle