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majorité personnelle de M. Waldeck-Rousseau. Lorsqu’il a adressé, l’autre jour, un appel pressant à cette majorité, il était convaincu qu’elle y répondrait fidèlement. Il a tant fait pour elle ! Il s’est prêté à tant de combinaisons électorales ! Tant de petites intrigues ont été nouées et dénouées dans les couloirs de la Chambre, dans les bureaux des ministères et dans ceux des préfectures ! Enfin, tant d’engagemens ont été échangés de part et d’autre, que, suivant toutes les apparences, le chiffre de la majorité devait encore s’être accru ! Aussi qu’elle n’a pas été la surprise générale, lorsqu’on a vu la majorité subsister sans doute, mais se réduire à 35 voix, et même à moins, car l’Officiel du lendemain publiait des rectifications qui la faisaient tomber à une trentaine ! Elle comprenait, — qui sondera les abîmes du cœur humain et surtout du cœur parlementaire ? — un nombre notable de députés du centre qui votent habituellement contre le cabinet. D’autres, plus nombreux encore, s’étaient abstenus sans qu’on puisse savoir pourquoi. S’ils avaient voté, que serait devenue la majorité ? Que serait devenu le ministère ? Il est vrai, car il faut tout dire, qu’un assez grand nombre d’amis du gouvernement ont repoussé les fonds secrets. Ils les ont toujours attaqués : ce sont des gens à principes ; ils ne transigent pas avec leurs convictions. Ils l’ont fait pourtant, et dans des circonstances moins graves, quand il l’a fallu pour sauver le cabinet. Seraient-ils donc devenus plus tièdes ? A quatre mois des élections, le gouvernement se trouve avoir perdu la moitié de sa majorité. Rien n’égale la discrétion avec laquelle les journaux ministériels ont parlé de cette mésaventure : quels panégyriques n’aurions-nous pas entendus, au contraire, si sa majorité avait été augmentée ne fût-ce que d’une dizaine de voix ! Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes, et c’est avec un bagage de confiance sensiblement allégé que le ministère abordera la session prochaine. Cela veut-il dire qu’il sera renversé ? Non : au fond de l’âme, personne aujourd’hui ne le désire. On se sent trop près des élections pour avoir le temps de faire quelque chose de vraiment efficace et de réparateur, et le sentiment le plus répandu, bien qu’on ne l’avoue pas, est qu’en l’ace d’une politique qui a déjà produit quelques-unes de ses pires conséquences, il vaut mieux s’en remettre au pays du soin de la juger.

Faut-il parler de ce qui s’est passé à propos de la statue de Baudin ? C’est un des incidens de la quinzaine, mais il a eu si peu d’importance que nous aurions risqué de l’oublier : ce sont les élections qui nous y font penser, parce qu’il pourrait bien influer quelque peu sur celles de Paris. Le gouvernement a fait tout ce qu’il fallait pour