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dit M. Waldeck-Rousseau, il faudrait avoir voté un certain nombre de lois dont aucune n’a même été présentée. » Eh quoi ! lui a-t-on répondu, n’avons-nous pas voté une loi sur les associations ? Le gouvernement a répété à maintes reprises qu’une loi sur les Associations devait préparer, mais aussi amener la séparation de l’Église et de l’État : elle est faite, l’heure de la séparation a donc sonné. C’était là le grand argument de l’extrême gauche ; mais on sentait qu’elle l’énonçait sans conviction. La loi sur les associations est loin d’être assez libérale pour permettre à l’Église de vivre dans l’État sous la forme d’une association libre ; elle n’a pas été faite dans ce dessein. Le vote a été instructif : il a montré que, depuis quatre ans, et même depuis beaucoup plus longtemps, la question de la séparation de l’Église et de l’État n’avait pas fait un pas. La Chambre actuelle la laissera où l’avaient laissée les précédentes. C’est à peine si la minorité, qui reste environ d’un tiers de la Chambre, s’est grossie de sept ou huit voix, chiffre négligeable. Ainsi donc, après plus de deux ans d’un ministère où l’élément radical-socialiste domine, nous en sommes sûr cette question toujours au même point, sans que personne ait rien gagné, ni rien perdu. Cette démonstration une fois faite, comme il fallait pourvoir à une augmentation de dépenses de 23 millions que le rétablissement du budget des cultes rendait nécessaire, M. le ministre des Finances a annoncé qu’il allait déposer un nouveau projet de budget. Il l’a déposé, en effet, et la commission a dû se recueillir pour en délibérer. Voilà comment la discussion s’est trouvée arrêtée. Le gouvernement a prononcé la clôture de la session extraordinaire, et on s’est donné rendez-vous pour le 14 janvier.

Il y a eu toutefois, avant cette séparation, un court débat qui n’a pas été sans intérêt ; il a porté sur le budget spécial du ministère de l’Intérieur, budget qui comprend le crédit affecté aux fonds secrets. En tout temps, on a considéré que ce crédit impliquait la question de confiance. On vote les fonds secrets, c’est-à-dire des fonds dont le Parlement ne reçoit par la suite aucune justification, lorsqu’on a confiance dans le ministère qui les demande, sinon non. Et c’est bien ainsi que M. le président du Conseil l’entendait. Il serait, a-t-il dit, suprêmement illogique de voter autrement. Presque à la veille des élections, il était intéressant de savoir où on en était. Ce n’est pas la première fois que M. le président du Conseil imposait à ses amis et à ses adversaires une épreuve de ce genre ; il s’en était toujours dégagé pour son ministère une majorité de 70 à 80 voix. On s’était habitué à regarder ce chiffre comme à peu près irréductible : c’était la