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Un autre caractère du rayonnement de Becquerel, c’est de constituer une propriété atomique. S. et P. Curie ont particulièrement insisté sur cette vue, et c’est en définitive sur elle qu’ils se sont appuyés pour entreprendre la recherche des différens corps radio-actifs. On admet, dans cette manière de voir, que la radio-activité — avec tous ses aspects — appartient à l’atome et qu’elle lui est liée en grandeur. L’atome d’uranium, par exemple, possède une radio-activité d’une grandeur déterminée qu’il transporte avec lui dans tous les composés chimiques où il entre. Cette propriété tenace le suit partout : elle ne se laisse pas détruire ou diminuer dans les réactions chimiques, pas plus que l’atome lui-même ne s’y laisse entamer.

Il fallait vérifier cette vue, avant d’en éprouver l’efficacité. Et d’abord, il était donc nécessaire d’être en état d’apprécier le degré de radioactivité que présente un corps, d’en mesurer la grandeur. On s’est adressé à l’un des effets produits par le corps radio-actif, à celui qui est le plus constant et qui se prête le mieux à la mesure — à savoir, la propriété de décharger les corps électrisés soumis à son rayonnement.

Le mécanisme de cette décharge est profondément intéressant et il présente une grande importance, soit au point de vue théorique, soit au point de vue pratique. Nous n’avons pas ici la place nécessaire pour y insister. Disons seulement que la propriété appartient à toutes les radiations nouvelles, rayons cathodiques, rayons de Röntgen et rayons de Becquerel ; que l’action n’est pas directe ; que ces rayons agissent sur l’air ambiant ; qu’ils le rendent conducteur et capable de laisser écouler l’électricité. Comme dans le cas de l’électrolyse des solutions, ce résultat est obtenu par la formation d’ions, c’est-à-dire par ionisation.

Or, cette action dissipatrice est susceptible de mesure ; une telle mesure, à son tour, fournit une évaluation de la puissance radioactive.

On a constaté ainsi que les composés de l’uranium et ceux du thorium sont radio-actifs en proportion des quantités de ces deux métaux qu’ils contiennent. Les sels sont moins actifs que les métaux ; l’énergie due au métal est comme diluée par la présence des autres éléments inertes. Or, la pechblende (minerai d’urane) fut trouvée 4 fois plus active que l’uranium métallique. D’où la conclusion qu’elle devait contenir un corps étranger plus énergique que l’uranium. On a employé des procédés chimiques pour l’en séparer, en remarquant, d’une façon générale, que les précipités étaient ordinairement plus actifs que les solutions d’où ils sortent. Et enfin, on est arrivé à recueillir les trois