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intimes des différens princes allemands pour croire à l’unité de vues chez les électeurs protestans. Une scission qui subsiste toujours, à l’état latent, dans le protestantisme prenait, à cette époque, les proportions d’une crise terrible. En lutte contre l’Eglise romaine, le protestantisme sera toujours embarrassé de déterminer le point exact où il doit s’arrêter pour constituer une église à son tour. S’il verse dans l’individualisme, il n’est plus une religion ; s’il invoque une discipline, il reconstitue, qu’il le veuille ou non, la tradition. Dans cet embarras, il a fini, le plus souvent, par lier son sort à celui de la puissance temporelle ; mais, du même coup, il a diminué son principe et limité son action. Luthériens contre calvinistes, modérés contre intransigeans, arminiens contre gomaristes, le protestantisme était et sera toujours divisé en deux camps. Ayant rejeté la solution de la monarchie spirituelle, il est ballotté entre les princes et les peuples.

Les haines entre frères sont les plus violentes. La Hollande, qui donnait alors le branle à toute la cause protestante, était déchirée par des partis atroces et elle venait d’assister à l’horrible supplice de Barnevelt (13 mai 1617). Ces querelles avaient leur suite en Allemagne. Saxe et Brandebourg étaient luthériens. Ils n’avaient nulle envie de se mettre à la remorque du calviniste comte palatin et des princes de la maison de Nassau. Maximilien n’avait donc aucune certitude au sujet de leur vote en sa faveur ; tout au contraire. Aussi, au lieu de se risquer dans une dangereuse compétition à la couronne impériale, se rapprochait-il de son beau-frère Ferdinand de Styrie, quitte à lui vendre, le plus cher possible, son concours.

Ainsi se trouvent très brièvement expliqués les incidens qui se produisirent à Francfort, le 28 août 1619. Les trois électeurs ecclésiastiques désignèrent Ferdinand de Styrie. L’ambassadeur du Palatin vota, d’abord, pour le duc de Bavière, Maximilien ; l’ambassadeur de Jean-Georges de Saxe, voyant la majorité se dessiner, donna sa voix à Ferdinand, et, enfin, l’ambassadeur de Jean-Sigismond de Brandebourg, faisant observer que Maximilien de Bavière n’était pas candidat à l’Empire, vola comme la Saxe. Ferdinand, en qualité de roi de Bohème, vota pour lui-même, le dernier. On demanda alors à l’ambassadeur du comte palatin s’il persistait dans son vote. Il déclara que, puisque la majorité était acquise à Ferdinand, il avait pour instruction de s’y rallier.