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Toute la cause protestante et le sort de la maison d’Autriche étaient pendus, en quelque sorte, à ce qui allait se passer en Bohême. Cette formidable forteresse de la race slave, établie au cœur du monde germanique, sera toujours une cause de trouble dans l’histoire de l’Allemagne. Quand cette population s’agite, — et elle s’agite souvent, — tout s’émeut autour d’elle. À cette époque, il n’y avait encore, en Bohème, qu’un Allemand contre neuf Slaves. Aussi les sentimens d’autonomie naturels à la race tchèque, les vieilles traditions religieuses remontant à la guerre des Hussites, l’hostilité soulevée par les tentatives de restauration catholique et par le retour des Jésuites, le libéralisme de l’aristocratie et de la bourgeoisie des villes, enfin l’éclat terrible de la rupture accomplie par l’attentat contre les fonctionnaires impériaux, tout concourait à engager les États de Bohême dans les résolutions extrêmes.

Donc, aux deux bouts de l’Allemagne, en Bohême, d’une part, et, d’autre part, dans le Palatinat, des sentimens violens s’amassaient contre la maison d’Autriche. Dans la pensée des chefs du mouvement, le rôle du jeune comte palatin devait être de les rapprocher et de combiner leur explosion.

Le duc de Bouillon énumérait, dans sa pensée, les forces qui pouvaient se réunir soudainement, au cas où il faudrait en venir aux armes : les protestans de Bohême étaient prêts ; l’armée de l’Union, commandée par le terrible Mansfeld, pourrait immédiatement leur prêter la main ; un autre secours se préparait dans l’ombre : Bethlen Gabor, prince de Transylvanie, zélé calviniste, réunissait une armée formidable et comptait bien, le cas échéant, se tailler sa part, à la mort de l’empereur Mathias. Enfin, on pouvait compter sur des concours étrangers. L’Angleterre, la Hollande, la France n’abandonneraient pas un parti qui aurait pour programme la ruine de la maison d’Autriche. Plus on creusait l’idée, plus le succès paraissait probable. Pour des esprits profonds et imaginatifs, il y avait une séduction puissante dans la grandeur même de l’entreprise. Détruire le Saint-Empire romain, c’eût été ébranler Rome une seconde fois.

C’est donc la Bohême qui avait donné le signal. En chassant les fonctionnaires impériaux, en expulsant les Jésuites, les protestans de Bohême avaient manifesté ce que tant d’autres avaient dans le cœur : qu’on en avait assez, et qu’on était résolu, s’il le fallait, à en venir aux coups. La Diète de Prague s’était