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aux Territoires, cela est déjà difficile, mais ce qui est certain, c’est que rien n’est plus contraire à l’esprit même de cette Constitution ; que c’est faire injure à ses auteurs que de les croire aussi peu soucieux des libertés d’autrui et de leurs propres descendans ; et qu’enfin, comme dit encore M. Harrison, on n’eût jamais osé appliquer une pareille interprétation de la Constitution à des hommes de descendance américaine. Lis rudes pionniers qui, pendant tout le XIXe siècle, ont colonisé l’Ouest se seraient certes révoltés, si on leur avait dit qu’ils étaient soumis au bon plaisir d’une assemblée où ils n’avaient même pas de représentans, et qu’aucune des garanties données à la liberté individuelle par la Constitution, aucun des articles de cette Constitution, ne s’appliquait aux Territoires.

Si contraire à l’esprit américain qu’elle soit, cette manière d’interpréter la Charte fondamentale et vénérée des libertés du Nouveau Monde était le seul moyen de refuser la libre entrée des États-Unis non seulement aux marchandises des îles, ce qui est peu de chose, mais à leurs habitans, ce qui est bien plus important pour l’avenir. Aussi le gouvernement de Washington l’a-t-il affirmée de nouveau par les instructions qu’a données le président Mac Kinley à la commission chargée d’établir aux Philippines un gouvernement civil : « Jusqu’à ce que le Congrès ait légiféré, écrit le Président, j’ai ordonné que, dans toutes les branches du gouvernement des îles Philippines, on devrait se conformer aux règles inviolables que voici : nul ne sera privé de sa vie, de sa liberté ou de sa propriété sans être jugé conformément aux lois ; nulle propriété privée ne sera affectée à un usage public sans une juste compensation, etc. » Suit la copie de toutes les principales clauses de la Constitution garantissant la liberté individuelle, la liberté de la presse, la liberté de réunion, la liberté de conscience. Ces instructions prouvent donc bien que le Président considère ces clauses de la Constitution comme n’étant pas en vigueur dans les îles, puisqu’il trouve nécessaire de les y introduire par une décision personnelle. Il admet d’ailleurs implicitement que le Congrès pourrait en refuser l’application et que lui-même l’aurait pu. Sans doute ces instructions montrent aussi que M. Mac Kinley était animé des dispositions les plus libérales, les plus bienveillantes. Mais il nous faut ici encore citer son avant-dernier prédécesseur, M. Harrison : « Le Président, dit-il, a conféré de son propre gré aux Philippins