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et pour ses usages séculaires. Mais, d’autre part, révolte intérieure de l’amour-propre ombrageux, tendance à substituer le sens humain des rites à leur caractère surnaturel : surtout véritable défaut de critique, qui lui fait préférer les flottantes suggestions de sa raison incertaine aux conclusions qui sont les fruits d’une aussi longue pratique morale que celle de l’Eglise. Tel est l’aveu qui sous sa propre plume va former le corollaire de cette précieuse confidence. La scène se passe à présent une année environ après le mariage accompli : « Au cours d’une de ces soirées heureuses, je fis ce que j’aurais dû faire avant notre union. Je confessai mes fautes à ma femme. Anna m’écouta très attentivement, puis passa dans la pièce voisine. Lorsque, ne la voyant pas reparaître, je me décidai à l’y suivre, je la trouvai blottie près d’un meuble, devant le portrait de sa mère, et pleurant si fort que toute sa personne en était secouée. J’ai vu là qu’il vaut encore mieux se confesser au prêtre qu’à la femme aimée. Il est vrai qu’elle me donna bientôt un long et tendre baiser : j’étais donc absous, mais, pour pénitence, j’eus la conviction qu’elle portait de ce jour en son cœur un chagrin que nous autres hommes ne sommes pas capables de mesurer. »

Et, sans doute, ce serait à la fois une insinuation odieuse au point de vue humain, et une supposition peu respectueuse pour la miséricorde divine que d’établir le moindre rapprochement entre cet incident et les épreuves dont un avenir prochain allait accabler ce jeune époux. Mais, lui-même, dans l’exaltation de sa douleur, ne songea-t-il pas quelque jour aux paroles du prêtre délicat et digne qui l’avait visité jadis ? La sincérité émue de son récit semble le laisser entendre.


X

Après avoir exposé ses objections principales à la discipline catholique, et en quelque sorte l’aspect négatif de sa pensée religieuse, il nous faut en reproduire de notre mieux le côté positif, avant d’indiquer l’évolution qui, depuis dix années, paraît le rapprocher de son point de départ et de la foi de son enfance. Bien qu’il soit assez difficile de préciser les détails de sa profession de foi, Rosegger semblait aboutir, vers le milieu de sa carrière, à une sorte de christianisme mystique et humanitaire, qui, par affinité de race peut-être, fait songer à certains