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L’ESTHÉTIQUE DES NOËLS

Quand on se promène dans un Musée des religions, à mesure qu’on voit trôner sur les socles ou se dérouler sur les murs tant de symboles restés obscurs et de scènes devenues incompréhensibles, il est difficile de ne pas se demander quelle impression le christianisme vieilli et disparu de la vie ferait, à son tour, aux ignorans qui passeraient distraitement devant ses Crucifixions, ses Assomptions et ses Nativités, dans quelques milliers d’années. À cette question, les philosophes se chargeraient peut-être de répondre et ils le feraient sans doute de façons savantes et diverses, et contradictoires, selon leur habitude. Au regard de l’Esthétique, la réponse est facile. L’exemple des dieux grecs restés divins tout en cessant d’être adorés, est là pour nous renseigner. L’exemple, plus probant encore, parce qu’il est plus ancien, de certaines œuvres égyptiennes ou hindoues, — celles où la forme est demeurée tout humaine, — confirme cet enseignement Quand même disparaîtraient des mœurs des peuples toutes les fêtes du christianisme et de leur mémoire toutes les notions de ses symboles : la Sainte Trinité, l’Esprit-Saint, le Jugement dernier, la Résurrection, la Nativité, rien du charme de ses chefs-d’œuvre n’aurait disparu. Ils dévoilent d’eux-mêmes sinon leur sens religieux, du moins leur sens plastique. Il n’est pas besoin devant eux, comme devant les Dourgas à plusieurs bras, les Vishnous à tête de lion, ou les Horus à bec d’aigle qu’un savant interprète nous vienne expliquer ces solennels avatars et nous en fasse saisir l’intention particulière et la beauté.