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que la tactique napoléonienne lance dans la bataille au moment psychologique. Lorsque l’adversaire emploie le même procédé, il en résulte des chocs formidables, mais sans grande utilité. Un des plus célèbres est celui d’Eckmühl en 1809.

Il était 8 heures du soir. Le prince Charles, voyant la bataille perdue, fit avancer toute sa cavalerie pour protéger l’écoulement de ses troupes et de ses bagages sur Ratisbonne. Napoléon, de son côté, fit porter en avant les chasseurs et les hussards, appuyés par les dix régimens de cuirassiers et de carabiniers de Nansouty et de Saint-Sulpice.

Les cuirassiers autrichiens étaient rangés en bataille à Egglofsheim. Les cavaliers légers des deux partis se jetèrent promptement sur les flancs pour ne pas être broyés par ces deux formidables masses bardées de fer qui se couraient sus. Celles-ci se choquèrent et ne formèrent plus qu’une immense mêlée, éclairée par les dernières lueurs du crépuscule et la clarté de la lune naissante.

Les troupes des deux partis, spectatrices de ce combat fantastique, suspendirent leur feu, qu’elles ne pouvaient plus d’ailleurs continuer sans atteindre les leurs en même temps que l’ennemi. Des deux côtés, la ténacité fut la même, mais l’infériorité de l’armement des cuirassiers autrichiens, non protégés par derrière, détermina leur retraite, qui dégénéra bientôt en massacre, nos cuirassiers les poursuivant en leur enfonçant les sabres dans les reins.

Ce fut, pendant les guerres de l’Empire, le plus considérable des combats de cavalerie contre cavalerie qui s’engagèrent. Mais il faut ici se demander quelle en fut la portée au point de vue du dénouement de la bataille d’Eckmühl, et si les pertes qu’il entraîna peuvent être justifiées par les résultats obtenus dans i l’un ou l’autre des deux partis.

Toutefois, à la Moskowa, le 7 septembre 1812, l’action de la ; cavalerie employée en masse fut décisive.

Le front de la ligne russe était couvert par des hauteurs garnies d’ouvrages, parmi lesquels une redoute armée de quatre-vingts canons avait, jusqu’à 2 heures, défié les efforts de l’infanterie. Le général Montbrun, commandant le 2e corps de cavalerie, put constater, à l’aide de sa longue-vue, que cette grande redoute était ouverte à sa gorge, et qu’en tournant la hauteur on pouvait se dérober aux feux des ouvrages qui la