Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/788

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mirent pied à terre et contribuèrent par leur feu à la défaite de l’ennemi. »

Pendant la longue période de guerre qui commence en 1792, les charges poussées à fond conservent jusqu’en 1815 une efficacité considérable mais décroissante. Quelques exemples vont le faire ressortir.

A Marengo, vers onze heures, la bataille semblait perdue. Les Autrichiens, formés en colonne sous les ordres du général Zach, s’avançaient sur la route de Tortone, achevant de pousser devant eux la gauche de notre armée, alors en pleine retraite. À ce moment Desaix paraît. Bonaparte arrête aussitôt le mouvement de recul et prend ses dispositions pour porter à l’attaque les renforts qui lui arrivent. Plaçant la division Boudet à cheval sur la grande route suivie par les Autrichiens, il dispose en arrière et à droite les troupes de Lannes et de Monnier, qui viennent de supporter tout l’effort du combat. Les débris des cavaleries de Kellermann et de Champeaux s’établissent derrière la division Boudet, tandis que Marmont, avec tout ce qui lui reste d’artillerie (19 pièces) couvre le front de cette division.

Dans la colonne de Zach, 8 000 grenadiers hongrois marchaient en tête. Soudain, ils sont assaillis par le feu des 19 pièces de Marmont brusquement démasquées et en même temps chargés par l’infanterie de Boudet. Les Hongrois, surpris d’abord, font face à cette attaque, mais tandis que la tête de la colonne s’arrête pour riposter, les bataillons autrichiens qui suivent, au lieu de se déployer ou tout au moins de se ménager l’espace pour manœuvrer, serrent leurs distances sur ceux qui les précèdent et forment bientôt une masse compacte incapable de se mouvoir ni de faire usage de ses armes. Kellermann s’aperçoit à temps de cette faute. Il part aussitôt avec ses 400 cavaliers, franchit les intervalles de l’infanterie de Boudet, puis, faisant un brusque à gauche, tombe à pleine charge sur le flanc droit de la colonne des Autrichiens qui, « agglomérés les uns sur les autres, ne peuvent opposer de résistance. » Ensuite, se rabattant par un à droite, il bouscule la cavalerie adverse venue à la rescousse. Boudet, Lannes et Victor voyant le trouble des Autrichiens, se portent tous vigoureusement en avant. Bessières avec la garde consulaire à cheval suit leur mouvement et vient appuyer une dernière charge de Kellermann qui achève la déroute de l’ennemi.