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CAVALIERS ET DRAGONS

PREMIÈRE PARTIE


I

Depuis la guerre de 1870, il est admis en France comme un axiome, c’est-à-dire comme un fait hors de toute discussion, qu’au moment d’une entrée en campagne, les cavaleries des deux partis doivent aussitôt se lancer l’une contre l’autre, se livrer des batailles à l’arme blanche, à la suite desquelles, le vainqueur ayant balayé l’adversaire, pourra se livrer à son aise à la seconde partie de sa tâche : le service d’exploration.

L’adversaire ne fera-t-il pas de sa cavalerie un autre usage ? Cette question n’est pas envisagée, et comme il est commode d’attribuer à l’ennemi des intentions analogues aux nôtres, l’hypothèse de la bataille de cavalerie se transforme en certitude incontestée.

La genèse de cette idée résulte de ce fait qu’en 1871 notre cavalerie, s’étant rendu compte de son insuffisance pendant cette douloureuse campagne, s’est aussitôt attachée avec passion à tout ce qui pouvait, croyait-elle, lui rendre le rôle parfois décisif qu’elle avait autrefois joué dans les guerres napoléoniennes.

Les actions en masse d’Eylau, d’Eckmühl et de la Moskowa, les grandes chevauchées qui suivirent Iéna ne cessèrent dès lors de hanter ses rêves.

D’autre part, pendant de longues années, l’insuffisance de notre réseau ferré, l’inachèvement de nos forteresses, obligeaient nos armées à se concentrer loin de la frontière. Notre cavalerie