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a fait beaucoup de démarches, montrant un éclectisme plus grand que jamais à l’égard des personnes et des choses, et s’efforçant de réparer les brèches de son propre parti avec les dissidens du parti adverse. Un autre se serait peut-être irrémédiablement compromis : quant à lui, il s’est contenté d’échouer dans toutes ses entreprises. Alors il a réuni vingt-et-un anciens ministres libéraux, espérant sans doute que, parmi tant de conseillers, il trouverait un bon conseil. Le conseil qu’on lui a donné a été de se conformer aux désirs du roi, de rester au pouvoir, et de faire le ministère qu’il pourrait. C’est ce qu’il a fait. Il a changé, nous l’avons dit, trois ministres. M. Eguilior a remplacé aux Finances M. Rodrigañez ; M. Amos Salvador a remplacé aux Travaux publics M. Suarès Inclan ; enfin M. Montilla a eu pour successeur à la Justice M. Puigcerver, qui, dans d’autres circonstances, aurait, par sa valeur propre, apporté une force plus considérable au cabinet dans lequel il serait entré.

L’exiguïté de ce résultat n’a pas paru en proportion avec une crise qui s’était annoncée comme devant être beaucoup plus étendue. La déception a été grande, et, quand M. Sagasta s’est trouvé de nouveau en face des Cortès, il n’y a pas rencontré des dispositions meilleures qu’auparavant. Pourtant un vote de censure, soutenu par toutes les fractions de l’opposition, a été repoussé par 161 voix contre 118. Mais cela ne prouve pas grand’chose. Les ministères espagnols ont toujours la majorité ; seulement, quand ils ont l’épiderme sensible, ils sentent si l’air ambiant leur est favorable ou défavorable. M. Sagasta l’avait jugé défavorable avant la crise ; on ne sait pas ce qu’il en a pensé après. Le mot de replâtrage vient naturellement sur les lèvres pour caractériser la situation : après tout, il y a des replâtrages qui tiennent longtemps.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,

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