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tème assure mieux le bon plaisir de la majorité ; le second laisse davantage au hasard, et paraît dès lors plus favorable à la minorité, mais non pas, on va le voir, sans une forte dose d’empirisme.

Avant même qu’où eût décidé de mettre partout des grandes commissions, on en avait fait deux : celle des congrégations et celle des mines. Nous avons raconté ce qui s’est passé pour la première. Le « bloc » a abandonné huit places à la minorité, qui n’en a pas voulu, de sorte que la commission a été composée tout entière de membres de la majorité. Pour la commission des mines, le « bloc » a été un peu plus généreux : il a attribué onze places à la minorité, qui, cette fois, les a acceptées, et elles ont été remplies par des hommes d’une grande compétence, tels que M. Ribot, M. Aynard, M. Charles Benoist. Le « bloc » espérait peut-être par là réconcilier la minorité avec l’élection au scrutin de liste ; il s’est trompé ; non seuement la minorité ne s’est pas réconciliée avec ce système, mais un certain nombre de membres de la majorité en ont été dégoûtés. Lorsque la Chambre a eu à se prononcer sur la question de savoir comment seraient élues les grandes commissions, le scrutin de liste a été repoussé. Nos jacobins ne s’en sont pas consolés : ils ont juré de se venger, et ils y ont réussi. L’élection devant avoir bleu dans les bureaux, ils ont fait le siège des bureaux avec un art consommé. L’intrigue avait été habilement conduite dans les couloirs ; des listes pour chaque bureau avaient été arrêtées d’avance ; elles ont prévalu presque partout, de sorte que la minorité a eu moins de sièges dans seize grandes commissions par le vote dans les bureaux que par le scrutin de liste dans la Chambre entière.

Ces résultats sont déplorables, non seulement parce qu’ils excluent systématiquement la minorité, mais parce qu’ils excluent avec elle les capacités les mieux éprouvées. Croirait-on que M. Méline n’a pas pu être élu à la commission des douanes ? S’il avait été battu comme protectionniste par an libre-échangiste, cela se comprendrait et pourrait même se justifier ; mais non ! il a été battu parce qu’il était membre de la minorité, et son bureau lui a préféré un socialiste dont l’opinion économique est inconnue, uniquement parce qu’il faisait partie de la majorité. M. Camille Krantz a été pendant quelque temps ministre de la Guerre ; depuis, il a présidé, dans la dernière Chambre, la commission de l’armée avec une autorité que personne ne conteste. On peut ne pas partager ses idées, mais elles méritent d’être connues et discutées dans la commission avant de l’être dans la Chambre elle-même. Tel n’a pas été l’avis du « bloc, » et M. Krantz n’a pas réussi