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laisseront pas les Turcs revenir à Athènes, ce qui, disent les doctes, ne leur serait pas difficile, depuis que les Thermopyles ont cessé d’être un défilé, et que la Grèce ne produit plus de Léonidas. Je rac suis très mal fait comprendre de vous dans mes critiques de l’Aphroëssa, si vous avez cru que je voulais que la poésie parlât une langue particulière. Tout au contraire, je demande qu’elle se serve de la langue la plus usuelle, mais pourtant il faut n’employer que des mots et surtout que des idées appartenant au temps où l’on place son sujet. Je n’aime pas que Geneviève de Brabant, qui ne connaissait pas la machine à vapeur, parle


Des ressorts compliqués engrenés dans nos cœurs.


Le langage de vos personnages est souvent trop moderne. J’admets que vous leur donniez une délicatesse de sentimens qui probablement leur était inconnue, parce que le point important c’est que le poète se mette en communication intime avec ses lecteurs. Mais en même temps, je voudrais plus de simplicité dans l’expression, Il faudrait que nous fussions ensemble à Paris fumant au coin du feu pour discuter avec vous cette question. Ce sont des impressions que je vous communique brutalement. J’aurais de la peine à vous citer des passages, mais tout en rendant justice à la manière dont vous arrangez vos récits, je ne puis me défendre de l’effet que produit sur moi le contraste entre la simplicité (très louable, selon moi) de la composition, et je ne sais quoi de cherché et de conventionnel dans l’expression. Je crains de devenir de plus en plus incompréhensible, et je ferme ma lettre en faisant des vœux pour votre heureux voyage, si vous voyagez, et vous priant de me donner un petit mot d’adieu et la manière de vous écrire.

Mille amitiés et complimens.


Paris, 5 juin 1869.

Cher Monsieur,

Il faut que vous ayez révélé à S. M. Brésilienne, ma passion malheureuse pour l’archery ; je ne la croyais établie que de ce côté de l’Atlantique. Prenez l’arc offert, apportez-le-moi avec grand soin, ou donnez-le à un voyageur sûr et remerciez Sa Majesté. Le hic c’est que je ne suis pas en état de le bander. Je ne suis guère remis de ma grosse maladie de Cannes et je reste