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entreprise. Mon action ne tient à aucun complot et n’a aucune ramification. Je vous certifie sur tout ce que l’honneur a de plus sacré que je n’y ai été porté par aucune personne, ni au-dessus, ni au-dessous de moi. J’ai pu ne connaître qu’un parti, celui de la République, mais je ne suis pas homme à me sacrifier inutilement pour servir des chefs trop faibles pour s’exposer eux-mêmes. Nul ne m’a donc engage à faire ce que j’ai fait ; mais je fus entraîné par l’amour de la Liberté que je croyais compromise et peut-être plus encore par le délire d’une fièvre ardente… Le Premier Consul est trop juste, le général Bonaparte est trop grand pour ne pas alléger les souffrances d’un coupable qui se repent, et qui est déjà assez puni par ses remords.


Cette supplique reproduisait, on le voit, les grands mots qu’avait entendus Mounier. Un billet adressé au ministre de la Police, mais destiné surtout à Bonaparte, accentua davantage le mensonger système de défense ; sa redondante énergie dut vraiment paraître suspecte à l’ombrageux Consul :


… Je sais que le Gouvernement aura peine à croire que j’ai été assez fou ou assez osé pour agir de mon propre mouvement, sans l’instigation de personne et sans plan concerté ; mais cela n’en est pas moins l’exacte vérité. Il n’y a personne sous le rideau ; je ne suis pas une victime qui se dévoue pour les autres.


Ces lettres écrites, le reclus attendit. Peut-être espérait-il un dédaigneux pardon ; mais il ne reçut aucune réponse, et sa mise au secret fut durement maintenue. Le malheureux comprit alors qu’on l’avait joué. Redoutant quelque indiscrète conversation avec les autres prisonniers, l’ami Fouché confinait le camarade en un rigoureux isolement. On était au cœur de l’été et les souffrances de Simon devinrent intolérables. L’ardent soleil de thermidor criblait de ses brûlures la haute et fétide soupente où s’agitait ce supplicié ; les fenêtres cadenassées n’y laissaient pas même pénétrer la fraîcheur du soir. « Ah ! gémissait le misérable, si je pouvais, au moins, respirer un peu d’air, à l’heure où les détenus ont quitté le préau ! »

Déjà souffrant à son départ de Rennes, il tomba gravement malade. Alors, ses requêtes au Premier Consul se multiplièrent, larmoyantes, lamentables. Il n’y parlait plus de République, ni de Liberté, mais de sa famille, de son épouse, de son enfant, de sa sœur, et de leur commune détresse : « Au nom de l’humanité, au nom de votre gloire, mon général, laissez-vous fléchir ! Huit pauvres créatures n’ont que moi pour les faire vivre. Que vont-elles devenir, si je leur fais défaut ? » L’énervement de la