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CONSPIRATEURS ET GENS DE POLICE

LE COMPLOT DES LIBELLES
(1802)

DERNIÈRE PARTIE[1]


XV. — BERNADOTTE EN 1802

L’accusation qu’apportait son préfet de police ne pouvait surprendre le Consul : ce grand connaisseur d’hommes connaissait trop bien Bernadotte. De vieille date, il en avait deviné les ambitions fermentantes, les vanités maladives, les jalousies bilieuses, les souriantes perfidies, et, dans cette âme en souffrance, il soupçonnait des rêves de trahison. Tout en cet autre favori de la Fortune lui déplaisait : une fatuité outrecuidante, une médiocrité se gonflant d’importance, un esprit d’intrigue sans cesse en travail, et surtout une inquiétante duplicité. Cette bouche qui débitait, à la Malmaison, tant de flagorneries, — Bonaparte la savait prodiguant ailleurs, les critiques et la diffamation ; il estimait capable de vilenies un homme qui vantait trop souvent son honneur. « Le Gascon ! » disait-il, pour désigner le capitan à double face, né pourtant Béarnais. Mais,

  1. Voyez la Revue des 1er octobre, 1er et 15 novembre.