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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre.


Nous disions, il y a quinze jours, que la grève générale n’était pas encore finie, et que nous serions sans doute obligés d’en parler encore. Ces prévisions se sont réalisées. Les deux parties ayant accepté l’arbitrage, on a pu croire que tout était terminé ; mais c’était une erreur. Les ouvriers ont une conception particulière et très simple de l’arbitrage : ils le considèrent comme un moyen de leur donner raison. S’il sert à autre chose, ils n’en veulent plus. Et c’est pour cela que l’ordre du jour de la Chambre, recommandant au gouvernement d’user de son influence pour faire accepter l’arbitrage par les compagnies, nous avait paru un assez médiocre remède. On présente aux ouvriers, avec des airs entendus et profonds, des formules et des mots dont ils ne comprennent pas le sens ; un jour, c’est la grève générale, un autre, c’est l’arbitrage ; et on les leur donne comme des formules et des mots magiques, grâce auxquels ils pourront se passer toutes leurs fantaisies. Ils essayent, et alors ils s’aperçoivent que la grève générale donne peu de chose et que l’arbitrage ne donne rien. Comment leur déception ne serait-elle pas pénible et amère ? Leur premier mouvement est de dire qu’on les a trompés, et on les a trompés en effet. Mais qui l’a fait, sinon les politiciens qui vivent de leur crédulité ? Un moment vient où tout cet échafaudage de mensonges et d’illusions s’effondre dans un corps-à-corps avec la réalité ; et alors la situation apparaît encore plus grave. C’est là, en quelques mots, l’histoire de ces quinze derniers jours.

Qu’on ne se méprenne pas sur notre pensée ; nous sommes partisans de l’arbitrage ; mais, évidemment, l’éducation économique et morale de nos ouvriers n’est pas encore assez avancée pour qu’il