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REVUE LITTÉRAIRE


UNE NOUVELLE HISTOIRE DE BRUMAIRE


L’histoire est notre passion. Elle tient aujourd’hui auprès du public sérieux la place laissée libre par plusieurs autres genres littéraires. C’est d’abord que nous sommes arrivés à nous faire de ses méthodes et de son art une conception de plus en plus nette. Les grands romantiques avaient réveillé dans les âmes le sens du passé ; mais trop souvent ils n’avaient cherché dans l’histoire qu’un cadre à leur fantaisie pittoresque et un prétexte à exprimer leurs propres sentimens. L’avènement de la littérature impersonnelle et les progrès de l’érudition firent justice de ce lyrisme ; et, pour un temps, confinée dans les recherches de détail, également en défiance contre l’imagination et contre les idées, l’histoire se tint en dehors de la littérature. Ces années de retraite et de pénitence ne lui furent pas inutiles : elle y prit un souci de l’exactitude dont elle ne devait plus se départir ; elle put s’initier aux méthodes de sciences voisines, histoire naturelle, physiologie, psychologie des peuples, sciences sociales ; et elle acquit la preuve que toutes les sciences ensemble ne sauraient nous donner une expression complète de la vie, et que l’art seul, en ajoutant à leurs données le principe qui lui est propre, peut y réussir. C’est alors que commença pour elle une période nouvelle, féconde en travaux remarquables. À ces causes d’ordre spéculatif s’en sont jointes de sociales et de morales. Pour beaucoup de lecteurs et d’écrivains, l’histoire est un refuge : ils y cherchent une diversion aux tristesses actuelles ; ils s’y réchauffent au contact de nos gloires anciennes ; et l’étude même des pires heures de notre passé leur est une consolation, puisqu’elle atteste l’extraordinaire vitalité de notre pays. Ajoutez une raison de