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UNE CORRESPONDANCE INEDITE
DE
PROSPER MÉRIMÉE

DERNIÈRE PARTIE[1]


Paris, 3 mai 1865.

Cher Monsieur,

Vous m’accusez certainement à tort. Je vous ai écrit au moins deux fois, la dernière de Cannes d’où j’arrive en médiocre état de conservation. J’avais pris l’occasion de la poste, car je me méfie de vos grands hommes du ministère des Affaires étrangères.

Je suis très mécontent de ma santé qui va se perdant, et je m’afflige de quitter ce monde qui devient de plus en plus amusant par les scènes qui se jouent dans tout le monde civilisé. Il n’y a que dans les romans de M. Ponson du Terrail un pareil mic-mac, un embrouillamini aussi parfait. Que dites-vous de ce qui se passe en Amérique ? Voilà des assassins d’un fort calibre. M. Booth, à ce que me dit mon ami américain Childe, s’entraînait à tuer son président comme un jockey à courir. Il a passé un mois à tirer des coups de pistolet contre un mannequin, dans toutes les positions. Que voulait-il ? Personne ne le sait encore. Il paraît qu’il n’avait aucune relation avec le Sud : cependant son mot sur le théâtre : Sic semper tyrannis, est la devise

  1. Voyez la Revue du 15 octobre.