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la nécessité pour le souverain de pourvoir aux besoins des classes laborieuses et de prendre l’initiative des grandes réformes sociales. « Les rois de Prusse, disait Bismarck, en 1881, à la Chambre des députés de Prusse, n’ont jamais été de préférence rois des riches. C’est une des traditions de la dynastie que je sers, de prendre les intérêts du faible dans la lutte économique. »

Le mouvement de renaissance religieuse qui s’est produit en Allemagne dans la seconde partie du XIXe siècle n’était certainement pas étranger au développement de ces idées et à l’affirmation de cette doctrine. Mgr de Ketteler, évêque de Mayence, avait, dès 1848, engagé la lutte contre le libéralisme économique et posé les principes du christianisme social, soutenus en Autriche par le baron Vogelsang, le comte Blome, le comte François Kuefstein et le prince Aloys de Lichstenstein. Ce mouvement était suivi parallèlement, depuis 1870, par les socialistes de la chaire, disciples pour la plupart de Wichern, Huber, le pasteur Gohre, Rudolf Meyer et le célèbre Stocker, et par les adhérens de l’Association centrale pour la réforme sociale sur la base religieuse et monarchique, fondée en 1877.

Le Centre catholique, sous l’énergique direction de Windthorst, eut le mérite de prendre la direction des réformes nécessaires ; et, grâce à la compétence de ses membres, à leur union sur le terrain des principes, il a pu résister victorieusement aux attaques des libéraux et aux tendances socialistes dont Bismarck se fit un instant l’organe dans un dessein de centralisation et d’unification politique.

Il est impossible de nier cette influence du christianisme social, quand on lit le message du 17 novembre 1881, qui fut comme l’introduction des lois d’assurance et de l’organisation corporative en Allemagne. La dynastie des Hohenzollern comprenait la nécessité de s’appuyer sur cette grande force sociale pour lutter avec succès contre les révolutionnaires et les socialistes : « Nous considérons, déclarait l’Empereur, qu’il est de notre devoir impérial de demander de nouveau au Reichstag de prendre à cœur le bien des ouvriers, et nous pourrions regarder avec une satisfaction bien plus complète toutes les œuvres que notre gouvernement a pu réaliser avec l’aide de Dieu, si nous pouvions acquérir la certitude que nous laisserions après nous à la patrie une garantie nouvelle et durable, qui assure la paix