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Au début du Second Empire, le gouvernement voulut créer des caisses communales et organiser des groupes d’assurance[1]. La pensée était excellente, « car l’État peut, sans sortir de son rôle, provoquer et constituer légalement des groupemens ayant des charges et des droits communs. La liberté n’est pas violée, du moment que ces groupemens sont indépendans au point de vue de leur administration, qu’ils ont une autonomie réelle, des responsabilités et, dans une large mesure, la gestion de leur patrimoine. Mais l’indifférence du public et l’hostilité d’une partie des fonctionnaires empêchèrent toute action utile, et cette tentative avortée aboutit à la création de la Caisse des retraites pour la vieillesse, caisse d’État, l’ondée en 1850, et qui végète depuis cette époque sans avoir jamais pris un développement réel. M. Jay, dans une étude publiée en 1895 sur l’assurance ouvrière, a donné à cet égard des chiffres décisifs. En quarante années, c’est à peine si la Caisse a vu venir à elle 800 000 déposans, et le chiffre actuel des déposans est à peine de 400 000 sur 9 600 000 ouvriers et domestiques. Il a constaté qu’il n’était pas possible « d’attendre d’une caisse uniquement alimentée par les versemens facultatifs des patrons et des ouvriers une solution suffisamment générale et prochaine du problème de l’assurance ouvrière contre la vieillesse[2]. »

Quoique l’initiative des patrons ait fait beaucoup en France, ce qui est fait n’est presque rien auprès de ce qui reste à faire. La loi de 1898 sur les sociétés de secours mutuels a donné lieu à de grandes espérances, mais on sait combien il est difficile aux sociétés de secours mutuels, avec leur effectif toujours assez mobile et précaire, d’organiser dans des conditions sérieuses des caisses de retraites. Il s’est déjà produit de ce côté de nombreux mécomptes, et il ne faut pas se faire d’illusions.


II

Tous les hommes politiques ont compris la nécessité d’une organisation spéciale, et c’est pourquoi les projets et les propositions n’ont cessé d’affluer.

La question des retraites fut posée pour la première fois en 1879 au Parlement par MM. Martin-Nadaud, Charles

  1. Exposé des motifs de la proposition Ramel, 1890, page 2.
  2. Revue politique et parlementaire d’avril 1895.