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cédés consistaient à mettre la ville de Dunkerque à sac. Ils ont fait des barricades le long des quais avec tout ce qui leur tombait sous la main ; puis ils sont entrés dans les magasins pour les dévaster et les piller ; puis ils ont allumé des incendies ; et l’on ne sait où ils se seraient arrêtés si le gouvernement, réveillé en sursaut de la torpeur où il était tombé, n’avait à la hâte fait converger sur Dunkerque des troupes en nombre imposant. M. Combes a déclaré à la Chambre que sa tranquillité et sa confiance étaient complètes, parce qu’il y avait sept cents hommes à Dunkerque. Il a fini par en envoyer à peu près dix fois plus, et c’est alors seulement que le danger a été conjuré.

Mais l’alarme a été chaude, et pendant quarante-huit heures tout a été à craindre, même les pires catastrophes. Il est vraiment regrettable que M. Aristide Briand ne soit pas allé à Dunkerque pour constater de ses propres yeux comment les ouvriers font quelquefois la police, lorsqu’ils sont abandonnés à eux-mêmes. Cette expérience ne lui aurait sans doute pas découvert l’erreur de ses théories, car ses théories sont très au-dessus de l’expérience ; pourtant il aurait pu faire quelques réflexions salutaires. Qui sait même s’il aurait prononcé le lendemain le même discours que la veille ? En tout cas, la Chambre ne l’aurait peut-être pas écouté avec la même indulgence. Heureusement pour M. Briand, il avait fait son discours avant l’émeute ; malheureusement pour M. Combes, il faisait le sien au milieu même de l’émotion que produisaient les nouvelles de Dunkerque, circonstance évidemment défavorable. M. Combes avait beau faire de belles phrases sur l’énergie que mettrait le gouvernement à garantir à la fois la liberté de la grève et celle du travail ; il avait beau se montrer prêt à intervenir comme arbitre entre les patrons et les ouvriers ; il avait beau promettre de presser la Chambre et le Sénat de discuter et de voter les réformes sociales dont les grévistes ont fait une sorte d’ultimatum : son auditoire éprouvait des distractions involontaires, et une question qui était dans tous les esprits a fini par sortir de quelques lèvres : « — Mais enfin, que se passe-t-il à Dunkerque ? — Je n’en sais pas le premier mot, a répondu M. Combes, et il y a de la malveillance à m’interroger sur une situation que je ne connais pas. Cette intrigue, qui consiste à répandre des nouvelles tendancieuses, ne peut venir que des congrégations et de leurs défenseurs. Elle ne divisera pas le bloc formé pour la défense de la République. Songez, messieurs, à cet intérêt suprême, et préoccupez-vous moins de ce qui se passe à Dunkerque, à mon insu. »

Ce ne sont pas les propres termes dont s’est servi M. le président