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plusieurs d’entre eux avaient pris une part importante d’une loi désormais votée, ont montré qu’elle avait été appliquée par le gouvernement avec une véritable fantaisie. M. Charles Benoist, qui a saisi cette occasion de faire ses débuts à la tribune et qui les a faits avec un grand succès personnel, s’est livré à une discussion juridique lumineuse et pressante sur l’illégalité de l’apposition des scellés dans certains cas déterminés.

Nous ne rééditerons pas ici des argumens qui doivent être familiers à nos lecteurs. Tout a été dit sur l’application que le gouvernement a faite de la loi : à notre avis, il a agi d’une manière illégale et, de l’avis de tous, même de ceux qui n’osent pas le dire tout haut, il a agi d’une manière maladroite. Nous ne voulons qu’une preuve de l’illégalité de ses procédés, c’est qu’elle a été reconnue par la plupart des tribunaux devant lesquels la question a été posée. Les hommes politiques ou les publicistes peuvent se laisser égarer par la passion de parti : les tribunaux gardent leur sang-froid, et leurs jugemens ou leurs arrêts ont plus de portée que des discours de tribune ou des articles de journaux. Comment expliquer qu’ils aient presque toujours donné tort au gouvernement, si le gouvernement n’avait pas tort en effet ? Le gouvernement s’en est lui-même si bien rendu compte que, se voyant condamné par les tribunaux ordinaires, il s’est empressé d’élever le conflit afin que la question fût portée devant les tribunaux administratifs. Nous ne dirons pas de mal de ces derniers ; mais enfin ce sont des tribunaux exceptionnels, et le parti qui, parvenu aujourd’hui au pouvoir, cherche à se couvrir de leur égide, les a autrefois condamnés et flétris avec une véhémence que nous n’imiterons pas. Les tribunaux, même administratifs, méritent d’être respectés. Dans les jours difficiles que nous traversons, peut-être la liberté des citoyens trouvera-t-elle encore auprès d’eux un refuge. En tout cas, c’est une épreuve à tenter, car on ne peut compter ni sur la Chambre, ni sur le Sénat, pour arrêter le gouvernement dans ses audacieuses tentatives : ils semblent plutôt disposés à l’y encourager. La majorité qui a approuvé au Palais-Bourbon la conduite du ministère a été de 98 voix, et on en est réduit à se féliciter qu’elle n’ait pas été plus forte. Les amis du ministère espéraient mieux. M. Combes lui-même, dans une conversation qu’il a eue pendant les dernières vacances avec un éminent prélat, s’était vanté qu’elle serait de 150 voix. Il a fallu en rabattre. Mais une majorité de 98 voix est encore énorme, et il est arrivé, rarement à M. Waldeck-Rousseau d’avoir la pareille. M. Combes, qui se donne toujours comme le