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On a fait à la lettre de l’épiscopat une autre critique, et celle-là ne vient pas du gouvernement, mais de quelques évêques non signataires qui ont expliqué par là leur abstention. Nous ne les blâmons nullement de n’avoir pas signé, si leur conscience les en détournait. L’événement a prouvé qu’ils avaient agi avec prudence. Peut-être aussi ont-ils pensé, pour les motifs que nous avons nous-mêmes exposés plus haut, qu’écrire aux sénateurs et aux députés ne servirait à rien. Mais quelques-uns d’entre eux ont demandé si le Pape avait été consulté sur l’acte qu’il s’agissait de faire, et s’il l’avait approuvé. Il est sans doute très sage de la part des évêques, aujourd’hui surtout, de s’inspirer de la pensée de Léon XIII ; mais, lorsque cette pensée est parfaitement connue, que le Saint-Père l’a exprimée dans des lettres qu’on n’a pas oubliées, que le cardinal Gotti l’a précisée en son nom sur certains points essentiels, les évêques sont suffisamment éclairés pour pouvoir désormais se conduire eux-mêmes. Il y a plus d’inconvéniens que d’avantages à obliger le Saint-Père à prendre la responsabilité directe de toutes les démarches de l’épiscopat, et il y a aussi quelque danger, de la part de celui-ci, à s’interdire toute démarche que le Saint-Père n’ait pas approuvée. Il est permis d’être un peu plus gallican que cela ! Les évêques ont une autorité propre, dont ils peuvent user sans tourner au préalable leurs regards du côté de Rome. C’est là une question de mesure : il ne nous semble pas que les 72 évêques qui ont signé la lettre au Parlement aient dépassé celle qui convenait, et les cinq ou six qui ne l’ont pas signée se sont montrés bien timorés, s’ils n’ont pas eu d’autre raison de s’abstenir que celle qu’ils donnent.

Il faut aller au fond des choses. Lorsque les évêques ont dit dans leur lettre qu’ils étaient les défenseurs naturels des congrégations, et qu’ils ont réclamé le droit de plaider leur cause, ils ont dit la vérité. On a prétendu qu’il y avait une rivalité sourde, mais réelle, entre les congrégations et eux, et que, sans oser le dire, ils ne seraient pas fâchés de les voir au moins partiellement disparaître. Peut-être les évêques ont-ils trouvé quelquefois que les congrégations étaient envahissantes ; mais, de là à éprouver contre elles les sentimens qu’on leur prête si gratuitement, il y a fort loin, et il est naturel qu’ils aient voulu protester par une manifestation publique contre les dispositions secrètes qu’on leur attribuait. Si leur lettre a eu cette intention, elle est doublement légitime : d’abord, parce que la loi du 1er juillet 1901 a imposé aux congrégations une dépendance plus étroite à leur égard, et que le Vatican, par la lettre du cardinal Gotti à laquelle nous avons déjà fait allusion, s’y est prêté dans une large mesure ; ensuite, parce