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Mozart des Champs-Elysées. » Offenbach eut toujours pour les maîtres allemands de la forme pure une presque filiale tendresse. Chef d’orchestre au Théâtre-Français, il égayait avec les menuets de Haydn les entr’actes de Racine ou de Corneille. Directeur et fournisseur des Bouffes-Parisiens, entre deux de ses opérettes il en faisait jouer deux de Mozart : l’Oie du Caire et l’Impresario, afin de se couvrir lui-même et de se justifier.


Comme avec irrévérence
Parle des dieux ce maraud !


Oui, même des dieux de la musique ; mais il parle d’eux, en empruntant leur langage, ne fût-ce que pour le contrefaire, et son irrévérence témoigne encore de son admiration et de son amour.

Offenbach use rarement du procédé, facile et tout extérieur, qui consiste dans l’adaptation à des circonstances et à des paroles d’opérette, de quelque passage — populaire — d’un opéra. Avec plus de malice, il tire la parodie ou la caricature musicale de plus loin et des élémens essentiels de la musique même : rythme, déclamation, développement symphonique ou mélodie. Le comique de Bu qui s’avance ! résulte en partie d’une accentuation à contresens, à contre-bon sens. Le même Bu qui s’avance ! ou le finale : Voici le sabre ! de la Grande-Duchesse, est, au point de vue de la conduite générale, une espèce de folie organisée, où le sérieux de l’ordonnance, de l’architecture sonore n’a d’égal que le burlesque des idées. Toujours dans le Bu qui s’avance ! plus encore dans le Pars pour la Crète ! on ne sait qu’admirer davantage : l’abondance et la verve des mélodies, la logique, voire la nécessité suivant laquelle elles s’enchaînent et procèdent les unes des autres, ou l’entrain, la rigueur et comme l’urgence croissante du rythme, qui fait de ce finale une des plus réjouissantes expressions musicales de l’impératif catégorique et du devoir absolu.

Mélodiste enfin, mélodiste intarissable, Offenbach est un mélodiste souvent trivial, canaille s’il le faut, toujours spirituel, banal rarement et quelquefois délicieux. Il n’emploie que les modulations et les cadences classiques ; il excelle, pour éviter une chute vulgaire, à trouver des biais ingénieux.

Ainsi dans son œuvre, à chaque page, on surprend d’ironiques apparences, des ressemblances ou des rappels équivoques, à