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HENRI MEISTER

Henri Meister, on le sait, a succédé à Grimm dans la publication de la Correspondance littéraire ; et la moitié de cette œuvre considérable lui appartient en propre. Mais sa personne, sa vie, sont restées dans l’ombre ; et son dernier éditeur regrettait que sa biographie n’eût pas encore été écrite. Les documens abondent cependant. Les arrière-neveux de Meister, MM. Reinhardt, de Winterthur, possèdent de riches archives de famille ; ils nous les ont libéralement ouvertes, et nous sommes ainsi en mesure de retracer la longue carrière de cet écrivain français, né et mort en pays allemand.


I

Le père d’Henri Meister appartenait à une famille patricienne de Zurich ; c’était un ecclésiastique protestant : il a exercé les fonctions de pasteur dans quelques-unes des petites églises du Refuge français en Allemagne : à Bayreuth, à Schwabach ; à Buckebourg, dans un des comtés (aujourd’hui principautés) de Lippe ; à Erlangen enfin. Il avait épousé en premières noces la fille d’un de ses collègues, le chapelain Crégut, qui était sorti de France à la révocation de l’Edit de Nantes ; elle lui avait donné deux filles, après sa mort, il se remaria avec une jeune Française, Marie Malherbe, née en Touraine, dont il eut un fils, Henri, né à Buckebourg le 6 août 1744.

« Dès l’âge de quatre ans, dit-il, je balbutiais dans trois langues : en français avec ma mère, en allemand avec les