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débat devait rester libre entre patrons et ouvriers, et qu’il n’était nullement de l’ordre législatif. C’était la vérité même : elle s’impose avec tant d’évidence que le ministère actuel ne pouvait que la reconnaître à son tour. Cependant il ne l’a pas fait sans équivoque. « Pour le minimum de salaire, écrit M. Combes à M. Cotte, je ne peux que m’en référer, soit aux observations émises par mon prédécesseur dans la lettre qu’il vous écrivait à la date du 16 octobre 1901, soit aux résolutions éventuelles que les Chambres, déjà saisies de cette question par l’initiative parlementaire, pourraient être conduites à adopter. » Qu’est-ce à dire ? M. Combes déclare que son opinion est conforme à celle de M. Waldeck-Rousseau ; mais il ajoute que, si les Chambres en adoptent une autre, il n’y fera aucune résistance. S’en référer d’avance aux résolutions éventuelles et dès lors encore inconnues de la Chambre, cela ressemble fort à une abdication. Se rallier, si la Chambre les consacre, aux propositions émanées de l’initiative parlementaire, alors que le gouvernement antérieur a déclaré qu’il n’en ferait lui-même aucune, la question ne pouvant pas être tranchée par une loi, c’est une défaillance qui, dans les circonstances où nous sommes, peut avoir de funestes effets.

La réponse de M. le président du Conseil à la lettre du Comité ouvrier est donc assez faible. Celle du Comité des houillères de France est, au contraire, pleine de netteté et de bon sens. Le Comité national des ouvriers demandait au Comité des houillères d’envoyer treize délégués à une sorte de conférence où ils rencontreraient treize délégués des mineurs, et où le gouvernement était invité aussi à se faire représenter. Appelé à départager les ouvriers et les patrons qui, étant en nombre égal, se tiennent les uns les autres en équilibre, le gouvernement aurait éprouvé un grand embarras : toute la responsabilité serait retombée sur lui. Aussi a-t-on remarqué que M. Combes, dans sa réponse à M. Cotte, n’a fait aucune allusion à l’invitation qui lui a été adressée, comptant peut-être sur le Comité des houillères pour l’enterrer. Le Comité des houillères ne l’a pas acceptée, en effet, sous la forme défectueuse où elle était présentée. Il a jugé inutile de reproduire dans un vain conciliabule des opinions qu’il avait déjà fait connaître à maintes reprises, qu’il avait appuyées d’argumens et de chiffres, et sur lesquelles il n’a pas varié depuis lors. Toutefois, il s’est déclaré prêt à se présenter contradictoirement avec les ouvriers devant les commissions parlementaires, ou même extra-parlementaires que le gouvernement pourrait instituer pour étudier certaines questions et y donner une solution pratique. Mais ces questions ne peuvent