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est pas moins vrai que le type cristallin ne relève aucunement d’autres types préexistans, et que rien, dans la cristallisation, ne rappelle l’action des ascendans et les lois de l’hérédité. »

Cette lacune a été comblée depuis. Les travaux de Gernez, de Violette, de Lecoq de Boisbaudran ; les expériences d’Ostwald et de Tammann ; les observations de Crookes et d’Armstrong, tout cet ensemble de recherches, dont M. Léo Errera a donné, dans ses essais de philosophie botanique, un si lumineux exposé, ont eu pour résultat d’établir un rapprochement inattendu entre les procédés de la cristallisation et ceux de la génération chez les animaux et les plantes.

Il importe, avant d’aborder cette question de la génération des cristaux, de liquider celle de leur nutrition.

La propriété de nutrition, que certains physiologistes désignent par le nom d’assimilation ou d’accroissement est l’attribut le plus essentiel de la vitalité. On peut définir la nutrition avec Ch. Robin : la production par l’être vivant d’une substance identique à la sienne. C’est l’acte par lequel se crée la matière vivante, le protoplasme d’un être donné.

La nutrition présente un caractère tout à fait remarquable : la permanence. C’est une manifestation vitale, — propriété si on l’envisage dans la cellule, dans la matière vivante ; fonction si on la considère dans l’animal ou la plante en totalité — qui ne subit point d’arrêt. Sa suspension entraîne ipso facto la suspension de la vie elle-même. « C’est cette propriété, dit Claude Bernard, qui, tant qu’elle subsiste, fait dire que l’animal est vivant, et qui, lorsqu’elle s’arrête, fait dire qu’il est mort. »

La nutrition est une fabrication de protoplasme aux dépens des matériaux du milieu ambiant cellulaire, qui sont assimilés, c’est-à-dire rendus chimiquement et physiquement semblables à la matière vivante et aux réserves que celle-ci élabore. Cette opération, qui est particulièrement chimique, se traduit donc par un emprunt de matériaux au monde extérieur, — emprunt continuel puisque l’opération est permanente, — et, ajoutons-le, par un rejet continuel des déchets de cette fabrication. — Le mot a été dit : La nutrition est une chimie qui dure.

Ici, la conséquence a masqué la cause aux yeux des naturalistes. Ils ont été frappés du mouvement continuel d’entrée et de sortie, du passage ininterrompu, du circulas, de matière à travers l’être vivant sans en pénétrer la raison ; et ils ont donné