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s’agrandit dans tous les sens par un dépôt de particules cristallines, un travail actif avoir lieu sur la partie brisée ou déformée ; et, en quelques heures il a satisfait, non seulement à la régularité du travail général sur toutes les parties du cristal, mais au rétablissement de la régularité dans la partie mutilée. » En d’autres termes, le travail de formation du cristal est bien plus actif au point lésé qu’il n’eût été dans les conditions ordinaires. Les choses ne se passent pas autrement chez un être vivant.

M. Gernez, quelques années plus tard, a fait connaître le mécanisme de cette réparation ou, du moins, sa cause immédiate. Il a montré que sur la surface blessée, le cristal devient moins soluble que sur les autres facettes. Cette différence de solubilité, d’ailleurs, n’est point un phénomène exceptionnel : c’est, au contraire, un fait assez ordinaire que les différentes faces d’un cristal possèdent des solubilités inégales. C’est ce qui se produit, en tous cas, pour la face mutilée par comparaison avec les autres : la matière y est moins soluble. La conséquence en est évidente : la croissance doit y être prépondérante. L’eau mère, en effet, deviendra sursaturée pour cette partie avant de l’être par rapport aux autres.

Mais ce n’est là que la cause immédiate du phénomène ; et, si l’on veut savoir pourquoi la solubilité a diminué sur la partie mutilée, c’est M. Ostwald qui nous fera la réponse savante qui convient, en montrant que la cristallisation tend à constituer un polyèdre pour lequel l’énergie de surface soit un minimum relatif.


IX

Les analogies du cristal avec l’être vivant ne sont pas encore épuisées. La possession d’une forme spécifique, la tendance à la rétablir par rédintégration, ne suffisent point à assimiler complètement le cristal à l’être vivant. Il manque encore deux caractères fondamentaux : celui de la nutrition, celui de la génération. Chauffard, autrefois, dans la polémique qu’il avait engagée contre les idées de l’école physiologique contemporaine, avait bien signalé ce point faible. « Laissons de côté, disait-il, ces faits intéressans relatifs à l’acquisition d’une forme typique et qui sont communs à l’être minéral et à l’être vivant. Il n’en