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Leur évolution seulement est lente par rapport à celles que nous observons à la surface de notre globe ; mais cette disproportion, qui est en rapport avec l’immensité des temps et des espaces cosmiques comparée aux mesures terrestres, ne doit pas nous dissimuler l’analogie foncière des phénomènes.

Ce n’est pas seulement dans les espaces célestes qu’il faut aller chercher cette mobilité de la matière brute qui imite celle de la matière vivante. Il nous suffit, pour la retrouver, de regarder autour de nous ou d’interroger les physiciens et les chimistes. Il ne s’agit pas d’évoquer les croyances hermétiques et les rêves des alchimistes pour qui les diverses espèces de la matière vivaient, évoluaient et se transmutaient les unes dans les autres. Nous avons en vue les faits précis, constatés par les plus habiles expérimentateurs, et que l’un d’eux, Ch. Ed. Guillaume, relatait, il y a trois ans, devant la Société helvétique des sciences naturelles. Ces faits établissent que des formes déterminées de la matière peuvent vivre et mourir, en ce sens qu’elles se modifient d’une manière lente et continue, toujours dans une même direction, jusqu’à ce qu’elles aient atteint un état ultime et définitif qui est celui de l’éternel repos.

Un morceau de laiton qui a été écroui, puis chauffé, est le théâtre de changemens intestins infiniment remarquables, que l’on ne connaît bien que depuis peu de temps. La violence que l’on a exercée sur le fil métallique pour le faire passer à travers l’écrou a écrasé les particules cristallines ; cristaux brisés, noyés dans une masse granuleuse, tel est l’état du fil à ce moment. Le chauffage change tout cela. Les cristaux se séparent, se complètent, se reconstituent : ils forment des corps géométriques, durs, baignant dans une masse amorphe, relativement molle et plastique : leur nombre augmente successivement : l’équilibre ne sera atteint que lorsque la masse tout entière sera devenue cristalline. On se représente quels déplacemens, prodigieux par rapport à leurs dimensions, les molécules auront dû s’imposer pour se transporter à travers la masse résistante, et venir se ranger à des places déterminées dans les édifices cristallins.

L’expérience de W. Roberts-Austen fournit un autre exemple de ces mouvemens intestins des molécules tendant à un but et s’accomplissant à l’intérieur de corps solides juges immuables. Le chimiste anglais place dans l’eau bouillante un disque d’or surmonté d’un cylindre de plomb. Au bout de quarante et un