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mettre à l’unisson de nos pensées et de nos sentimens. Ils cherchent à découvrir la vie ou l’unie qui sont cachées au fond des choses.

Tout parle. Écoute bien. — C’est que vents, onde, flammes,
Arbres, roseaux, rochers, tout vit. Tout est plein d’âmes.


Mais, abstraction faite de leur puissance émotive, peut-on considérer ces idées comme la divination prophétique d’une vérité que la science commence seulement à entrevoir ? En aucune façon. Cet animisme universel, comme l’a dit Renan, au lieu d’être un produit de réflexion raffinée, n’est qu’un legs de l’élaboration mentale la plus primitive, un reste des conceptions propres à l’enfance de l’humanité. Il rappelle le temps où les hommes ne trouvaient d’image des choses qu’en eux-mêmes, et où ils faisaient de chaque objet de la nature un être vivant. Ainsi personnifiaient-ils le ciel, la terre, la mer, la montagne, les fleuves, les sources, les prairies. Ils assimilaient à des voix animées le murmure de la forêt :

… Le chêne gronde et le bouleau
Chuchote…
Et le hêtre murmure et le frisson du saule,
Incertain et léger, est presque une parole.
Mystérieusement se lamente le pin.


Pour l’homme primitif, comme pour le poète de tous les temps, tout vit, et toute voix, tout bruit expriment la palpitation d’un être vivant : le sifflement de la bise, la plainte de la vague sur la grève, le gazouillement du ruisseau. Le mugissement de la mer furieuse et les éclats de la foudre ne sont autre chose que le cri d’un être irrité.

Ces impressions se sont concrétées dans une mythologie dont le côté gracieux ne peut pas dissimuler la futilité. Puis elles ont passé dans la philosophie. Thalès croyait tous les corps de la nature animés et vivans. Origène regardait tous les astres comme des êtres véritables. Et Kepler lui-même dotait d’une vie animale tous les corps de la nature. Il attribuait, en particulier, aux corps célestes un principe intérieur d’action, — ce qui, soit dit en passant, est contraire à la loi d’inertie de la matière dont on a voulu, à tort, lui faire honneur au détriment de Galilée. Le globe terrestre était, pour lui, un gros animal sensible aux