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tombeau d’impératrices : trente-huit grandes-duchesses et tsarines y dorment leur dernier sommeil.

Nous pénétrons dans l’église enrichie d’une relique fameuse de la vraie croix, un jour de semaine, après la messe que va suivre la communion. Un diacre herculéen, à chevelure crépue, blond doré, les cheveux de Samson, rugit des prières d’une voix de basse profonde. Ce taureau à face humaine est revêtu d’ornemens rouges. Il se tient devant l’autel, et derrière lui les religieuses répondent. Pour elles la clôture consiste à tourner le dos au public, à dissimuler ainsi leur visage. On ne voit que l’espèce de hennin enfoncé de manière à cacher les oreilles que recouvre un voile noir aux longs plis tombans. Les novices ont la même coiffure, mais en velours et sans voile. Toutes portent une longue robe de laine noire avec camail à larges manches. Elles chantent, les voix sont pures et délicieuses. Au milieu d’elles, la maîtresse du chœur les dirige. Une des plus jeunes se détache pour quêter. Je vois une figure douce, reposée. Quand les autres défileront, l’office terminé, je leur trouverai à toutes comme un air de famille. L’empreinte d’une vie parfaitement paisible est posée sur ces fronts encadrés de noir. Une expression affectueuse, maternelle, s’y ajoute lorsqu’un vieux prêtre ayant franchi la grille de l’iconostase, une coupe à la main, la multitude des petits enfans est amenée pour recevoir la communion. Les religieuses conduisent ces petits, leur sourient, calment de leur mieux les cris des nourrissons, avec une bonté qui les rend touchantes. Ces pieuses femmes, me dit-on, apportent ici une dot en se retirant du monde ; elles sont libres ; aucune obligation absolue ne pèse sur elles, même pour l’assistance aux offices. Elles prient et mènent une vie de retraite mais ne s’occupent pas des hôpitaux, n’instruisent pas les enfans ; l’école de Bielsk est unique, jusqu’ici. Une grande partie de leur temps se passe à faire de la peinture ou des broderies.

Le soin des malades regarde les excellentes infirmières laïques enrégimentées sous le nom de sœurs de charité. Celles-là portent un bonnet et un tablier blancs, avec l’insigne de la croix rouge sur la poitrine. Comme gardes-malades à domicile, elles reçoivent un salaire, en cas de guerre elles suivent les armées ; les femmes de la meilleure société les accompagnent volontiers alors et prennent le même costume. Dans les hôpitaux, ce sont aussi des infirmières payées qui font le service ; quoique