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ministère de l’Intérieur et les comptes rendus de ses ressources et de ses actes doivent être présentés tous les ans aux deux ministères de l’Instruction publique et de l’Intérieur. Pour raison de sûreté d’Etat ou de moralité publique, c’est-à-dire selon son bon plaisir, le gouvernement aurait le droit de la dissoudre immédiatement. On voit que son existence est précaire. Rien cependant ne l’a inquiétée jusqu’ici, et elle prospère, fournissant à la Russie les éducatrices dont elle a si grand besoin, ou ces femmes médecins qui dirigent des dispensaires jusqu’à Samarkande, jusqu’à Taschkent, multipliant leurs services dans les provinces russes d’Orient, où les femmes ne peuvent être soignées par des docteurs du sexe masculin.

A ceux qui, imbus comme moi d’anciens préjugés, demandent s’il reste un contingent suffisant de mères de famille, il est facile de répondre en signalant l’accroissement de la population. La fécondité des ménages russes suffit à tout. J’ajouterai que je n’ai entendu personne, dans tout mon voyage, blâmer cette ardente aspiration des jeunes filles vers la science. Les étudiantes sont décriées dans de certains milieux pour d’autres raisons : leur solidarité avec les étudians, la part qu’elles prennent aux manifestations ayant un caractère politique. Mais la conclusion n’est jamais de les renvoyer, comme on fait ailleurs, à l’aiguille ou à la cuisine. En Russie, de même qu’en Amérique, la femme, avant d’être femme, est un individu.

Peut-être me demandera-t-on quelle part prennent, en Russie, les religieuses à l’instruction de la jeunesse. Elles n’en prennent aucune jusqu’ici. Cependant, un ordre enseignant, le premier, fut fondé, il y a une quinzaine d’années, par la comtesse Effimovsky. Le hasard m’a fait rencontrer à Saint-Pétersbourg une religieuse appartenant à cet ordre fort restreint. Elle était venue de la Russie blanche réunir des souscriptions pour sa maison, située dans une de ces principautés d’autrefois, qui appartinrent à la Lithuanie et à la Pologne avant d’être incorporées à l’empire russe en 1772. Il y a là un mélange de Polonais catholiques et d’uniates qui, ne relevant ni de l’Eglise romaine, ni de l’Eglise orthodoxe, sont forcés d’adhérer à cette dernière sous peine de vivre sans prêtres. Tel est l’arrêt d’un prosélytisme autocratique. Les vieux résistent et se passent des secours de la religion plutôt que de céder, mais leurs enfans sont conquis peu à peu, les religieuses y aidant. A Bielsk, elles