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sympathiques à leurs tendances qu’ils fissent des cours gratuits. Ce premier essai eut une influence marquée sur le développement des femmes russes.

Bientôt l’œuvre s’affirma plus complète. L’empereur Alexandre II, inquiet de voir tant de jeunes filles s’expatrier à la poursuite de la science, fit ouvrir dans les Universités russes des cours confiés à la direction du professeur Bestougeff-Riounine. Pour y entrer, il suffisait de présenter un certificat d’études complètes au gymnase ou à l’Institut et de payer annuellement 50 roubles. Chaque année, les étudiantes subissaient un examen, plus l’examen final à la fin des cours. Mais de ces efforts il ne résultait aucun droit ni privilège. On avait ensuite à chercher sa vie. Beaucoup de jeunes filles se plaçaient au loin, allant professer jusqu’en Amérique. Le conseil pédagogique retenait les sujets les plus remarquables comme assistantes. Pour diriger le côté économique de ces cours, fut fondée, en 1878, une société dont la présidente, une femme distinguée, Mme A. de Filosofow, réunit bientôt de toutes parts un capital assez considérable. Le ministère de l’Instruction publique et la ville de Saint-Pétersbourg y contribuèrent. Les cours grandissaient d’année en année. L’administration les installa dans un bâtiment dont la construction et l’aménagement ne coûtèrent pas moins de 230 000 roubles. Malheureusement, le mouvement nihiliste et ses conséquences mirent en péril, lors du meurtre d’Alexandre II, l’existence des cours Bestougeff. Ils ne reprirent qu’en 1889, moyennant quelques restrictions dans le programme de l’enseignement, et à la condition que les étudiantes, renonçant à la vie indépendante, demeurassent, soit dans leur famille, soit dans un internat. Les cours sont divisés en deux branches : historico-philologiques et physico-mathématiques ; ils sont faits par les plus éminens professeurs. L’internat, à côté du collège, renferme, sans compter l’appartement de l’inspectrice, soixante chambres, deux salles de conférences spacieuses, un salon de réception, tout ce qu’il faut pour assurer aux étudiantes une vie confortable. Elles logent là au nombre de quatre-vingt-cinq. Une annexe permet de recevoir en tout cent vingt-cinq auditrices qui payent 300 francs par an tout compris. Une femme-médecin est attachée à cet établissement. On vient d’ajouter à l’édifice une salle qui peut contenir mille personnes. Ceci a pu être fait, grâce à des legs et à des donations.