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des nouveaux cours, sut en démontrer l’utilité, notamment l’augmentation de l’aide médicale insuffisante dans les provinces, et l’enrayement de l’exode toujours croissant des jeunes filles russes. Les cours furent décrétés à titre d’essai pendant une période de quatre ans, et la veuve du général Yermolow accepta d’en être l’inspectrice. L’école de médecine des femmes était alors établie à l’hôpital militaire Nicolas, contenant un millier de malades. Les professeurs de l’Académie allaient y faire leurs cours, les mêmes sans la moindre différence qu’ils faisaient aux hommes.

La guerre serbo-turque, en 1877, donna l’occasion au gouvernement de constater le dévoûment et la valeur des étudiantes. Une trentaine d’entre elles ayant achevé leur cinquième année d’études, obtinrent la permission de s’enrôler en qualité de feldchers, d’aides-médecins, et partirent pour la Bulgarie avec les convois de la Croix-Rouge. Six mois après, l’inspecteur en chef du service médical de l’armée leur accordait une attestation des plus honorables pour leur zèle, leur savoir faire, leur présence d’esprit et leurs soins entendus au double point de vue chirurgical et thérapeutique. Une gazette de Turquie, en s’étonnant de voir pour la première fois des femmes médecins admises dans une armée, déclara que celles-ci s’étaient montrées dignes des éloges qu’on leur prodiguait.

A la fin de la guerre, plusieurs, qui avaient pansé les blessés sur le champ de bataille, furent décorées, et dans l’hiver 77-78, soixante étudiantes ayant passé leurs examens devant le jury d’usage, reçurent le titre de femmes-médecins. Quelques-unes restèrent à Pétersbourg et devinrent externes d’hôpitaux, mais le plus grand nombre se répandit dans les provinces et les campagnes[1].

Voici les confidences d’une étudiante en médecine du temps où les jeunes filles, en lutte contre la volonté de leur famille, s’échappaient de la maison paternelle sans protection, sans

  1. Nous trouvons dans l’excellent rapport de Mme Pauline Tarnowsky sur l’instruction médicale des femmes en Russie, la statistique suivante, qui n’est pas sans intérêt. Pendant une période de dix années que subsistèrent les cours, ils comptèrent 959 élèves. De 1872 à 1879, la position sociale de 718 élèves se répartissait comme il suit : femmes et filles de fonctionnaires, 30 ; de marchands, 17 ; de militaires, 13 ; d’ecclésiastiques, 5. Rentières, 2 ; étrangères, 1. Filles de paysans, 1 ; filles d’ouvriers, 5. Sur un chiffre de 512 élèves : 172 jeunes filles, 71 femmes mariées. 13 veuves, 116 se marièrent pendant leurs études, généralement à des étudians.